You're different than the way that I loved you (ft. Tallula)

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Boom Boom. Son souffle sur ta peau. Boom Boom. Ses yeux dans les tiens. Boom Boom. Sa main sur ta joue. Boom Boom. Tes lèvres contre les siennes. Boom Boom. Le noir complet. Boom Boom Boom. Les muscles engourdis. Boom Boom Boom Boom. Le poids sur ton corps. Boom Boom Boom Boom Boom Boom Boom Boom.
L’effroi.

Réveil brusque, peau humide, respiration saccadée et ton coeur qui bat à tout rompre. Tout est encore flou, tu distingues à peine le cauchemar de la réalité, ta vision mets un certain temps à s’éclaircir. Ce n’est qu’un mauvais rêve, Logan. ((Rien qu’un mauvais rêve.)). Une tornade noire disperse ses poils d’ébène sur tes draps, étale sa langue sur tes joues mal rasées. « Doucement, Lancelot. On va sortir, c’est bon- ». Ton meilleur ami, ton fidèle compagnon, ton labrador au pelage corbeau, son aboiement résonne dans la pièce jusqu’à ce que tu quittes ton lit. Ton radio-réveil indique 5h30.
(...)

Retour de balade, Lancelot s’écrase dans un coin du salon, la queue fouettant le parquet. Douche froide, lame chaude contre ta joue, elle glisse contre ta peau dans un mouvement délicat et précis. ((Lame contre ta gorge.)). L’eau coule dans le lavabo. ((Coupure profonde.)). Tu déglutis. ((Le sang coule.)). Ce n’était qu’un mauvais rêve.

Un bouton après l’autre, le noeud de la cravate remonte jusqu’au sommet de ton buste, la veste complète le tout. Les gens se bousculent à la Mairie, leur haleine est imbibée de tabac et de caféine, font remonter des aigreurs qui compressent ton cou. On te tire par les manches, on te postillonne dessus, on se plaint, on pleure sur ton épaule, la cadence s’accélère, d’heure en heure, de minute en minute. La paperasse s’accumule ((le sang coule)), les réunions s’enchaînent ((Tu es sous son emprise)), le téléphone n’arrête pas de sonner. ((Ses yeux t’ont transpercer.))

Juste une gorgée. Rien qu’une petite gorgée pour tenir le coup. L’odeur vive émane de ta flasque, le goût sucré-épicé du liquide translucide brûle ta langue. Encore une gorgée. Pour le courage. Et même une troisième, parce que tu l’as bien mérité.
((La couronne est trop lourde.))

Le bruit de la chasse d’eau. La pompe à savon. Le robinet qui grince. La serviette en papier humide qui s’écrase au fond de la poubelle. Une autre réunion, peut être la dernière si tu as bien fait ton boulot. Et tu entends les vagues d’alcool cogner contre la bouteille de fer bien cachée au fond de ton sac. Un peu plus et tu pourrais presque avoir le mal de mer.

Mais le voyage n’est pas terminé. Les eaux se troublent, les nuages se chargent d’électricité. Elle détonne, elle l’a toujours fait, au milieu de cette foule de fonctionnaires. Cheveux de feu, regard de glace, lèvres de sang, les pulsations agressent ton coeur. La tempête vient de se lever et tu ne peux même pas prononcer son prénom. Tallula.

Il fait chaud. Tellement chaud. Tu crèves dans ta robe trop près du corps, manches longues pour cacher tes bras, chaque parcelle de peau que tu isole du reste du monde. Tu hais cette situation, de devoir encore plus redoubler d’attention quand c’est à la mairie que tu te rends, t’as le cœur qui bafouille car tu sais qu’au moindre faux pas c’est ta couverture qui vole en éclats.
Tu danse en équilibre sur un fil trop fin, combien de fois t’as tangué, t’as faillis chuter ? Tu t’imagine un instant derrière les barreaux, un de ces bracelets aux pieds, les menottes aux poignets, ou bien encore allongée sur une table à te faire examiner. L’imagination fertile, encore plus quand la peur s’en nourrit, amie vorace qui ne te quitte plus.
T’es épuisée.
Mais tu le cache. Tes cernes maquillés, toujours parfaite, trop parfaite, pour détourner les regards de la réalité, du creux au fond de tes yeux, de l’absence de lumière surement. Un peu dramatique. Mais vrai. Trop vrai.
T’es épuisée.
Une énième réunion, passer voir ton contact à la mairie pour s’assurer que sa part du marché sera bien respecté, derrière toi un de ceux que t’utilise comme gros bras, aussi bien pour ta sécurité (( depuis que Lennox a essayé de t’arrêter )) que pour forcer les gens à arrêter de te sous-estimer. On oublie trop souvent le nom gravé sur ton passeport, Sergueïev, ça te colle comme une seconde peau.
T’es épuisée.
Mais t’en montre rien. Le sourire amical qui n’atteint pas tes yeux, la discussion qui ne s’éternise pas, surement que ton contact n’a pas spécialement envie de s’afficher avec toi plus que nécessaire. Pourtant t’as pas si mauvaise réputation, petit prodige de la musique, nombreux sont ceux qui ont déjà assisté à l’une de tes représentations. Hypocrisie d’une société en déclin. Un laissez-passer signé et approuvé, pour toi et puis Kazimir, non pas qu’il en aura l’utilité, mais c’est toujours mieux que rien. Jouer au-dessus des lois, comme si tout cela ne nous vous atteignait pas.
T’es épuisée.
Et peut être que c’est pour ça, que l’univers décide de s’en prendre à toi. Au détour d’un couloir, sans te prévenir, t’as le cœur qui s’arrête.
Parce qu’il est là.
Perdu au milieu des autres cols blancs, le regard paumé qui s’accroche au tien, et tu dois puiser dans tes dernières ressources pour ne pas flancher, pour ne pas t’effondrer. Tu n’étais pas prête. (( surement que tu ne l’aurais jamais été )). T’essaye de rattraper tes émotions, de les ranger à leur place, de dépasser ça, de faire comme si de rien n’était, de continuer ton chemin.
Mais tu ne peux pas.
Non tu ne peux pas faire comme si de rien n’était.
T’as le cœur au bord des lèvres, une envie de chialer un peu trop forte, et puis ses mots qui te reviennent en pleine figure. T’es un monstre. Des mots que tu te répète chaque jour devant le miroir, en repensant à la terreur sur son visage, à la façon dont il t’a regardé.
Tu peux rentrer je me débrouille toute seule Marmonné en russe à l’homme qui t’accompagne. Il hausse un sourcil, avant de tourner les talons pour te laisser là, seule. Il te faut encore un instant avant de te décider, forcer ton corps à bouger, un pas, deux pas, trois pas. Traverser le couloir jusqu’à lui. Incapable de faire demi-tour.
Logan, ça fait longtemps combien déjà ? Deux mois ? Oui, quelque chose comme ça. Deux mois où il n’a rien dit. Deux mois ou presque, à attendre que l’unité-am vienne t’arrêter. Deux mois et quelques qu’il se trimballe ton secret.
Tu travailles ici maintenant ? Parler comme si de rien n’était, ton sourire qui sonne faux, ta voix aussi. Tout est faux. T’es si fausse. Tellement fausse. A en gerber. Mais t’es incapable, de te détacher. Tu le dévisage autant que tu peux, chercher quelque chose, une trace de ton massacre, une lueur éteinte, au fond de ses pupilles, en echo avec les tiennes. Et tu te demandes, combien de temps,
Avant qu’il ne se mette,
A vriller ?

C’est un ouragan qui ravage ton coeur. La violence des bourrasques balaie tes neurones, les emmêle entre eux, les déchire jusqu’à ce qu’il n’en reste rien. Et les vagues continuent de frapper, vagues toxiques contre les parois de métal, vagues d’hémoglobine entre les canaux vitaux. Ça se bouscule, ça te ravage, le tonnerre gronde entre tes deux oreilles, tes iris brillent d’une lumière cataclysmique. Elle est là. C’est bien elle. ((Elle est si belle.)). Elle paraît différente. ((Elle est si cruelle.)). Tu pourrais tomber en morceau.

Le dos droit, tu restes planté au milieu du passage, on te saisit même l’épaule pour te réveiller. « Monsieur King, tout va bien ? ». Les visages semblent s’être effacés, les voix ne t’atteignent plus vraiment. Tu ne peux plus décrocher tes yeux. ((D’elle.)). Tu papillones, ton sourire retrousse tes lèvres dans un geste automatique, le soleil montre brièvement ses rayons trompeurs. « Oui, tout va très bien. Je vous vois tout à l’heure, pour la réunion, d’accord ? ». Tu t’envoles, tu t’enfuis, tu voudrais presque t’enfoncer sous terre mais c’est vers elle que tu te diriges, vos corps magnétiques s’attirent et c’est inévitable. Ça l’a toujours été.

Tu t’en souviens encore, de ses mèches ardentes qui enflammaient le décors carré des conventions scolaires. Chaos ordinaire, ta cour tentait de te distraire sans grand résultat, le mariage de tes parents se déchirait sous tes yeux vitreux et personne ne pouvait rien y faire. C’est arrivé comme ça, elle a capté ton regard dans la foule et tu as senti ta poitrine se compresser subitement. C’est qui, la rouquine ? Que t’avais lancé, l’air faussement nonchalant. Tallula Sergu-je sais pas quoi. Laisse tomber, Logan. Que quelqu’un avait dit. On dit que son père castre tous les mecs qui s’approchent d’elle. C’est une famille de tarés, j’te dis. Qu’il avait ajouté, réticent. Mais tes yeux ne s’étaient pas décollés pour autant. T’avais oublié la moitié de ce que ce crétin venait de déblatérer. Tu t’étais contenté de hocher la tête, rêveur. Tu n’avais qu’une envie, replacer la mèche délicate qui avait glissé de son oreille pour mieux contempler son visage.
((Ta Lullaby.))

Elle s’avance.
Tu t’avances.
Et le reste n’a plus d’importance.

Logan. Tu sens ta couronne t’échapper chaque fois qu’elle aligne ces lettres. Ça fait longtemps. Une éternité. Et pourtant, hier encore, tu te réveillais à ses côtés. ((Rien qu’un mauvais rêve)). Les murmures environnants chatouillent tes lobes, tu forces un sourire. « C’est vrai. ». Te voilà déchiré entre l’envie de hurler, de l’accabler pour tout le désordre qu’elle a foutu dans ta tête et l’envie de l’embrasser jusqu’à en perdre souffle. Mais voilà, voir Tallula, c’est comme avoir une corde autour du cou. Et elle se resserre jusqu’à ce que tu puisses apercevoir les portes du paradis. Finalement, tu ajoutes dans un murmure. « Ça fait longtemps, oui. ».

Les jours sont interminables, la poussière a recouvert le velours de la petite boite, les silhouettes échouées à tes côtés ne sont jamais les mêmes au réveil. Mais ce face à face n’est pas qu’un échange de courtoisie. C’est une bataille pour la couronne. Peu importe tes nuits incomplètes, peu importe le goût de l’alcool sur ta langue, peu importe les morceaux éparpillés de ton coeur, tu n’es pas encore prêt à céder ton trône. « Oui, je travaille au service juridique du Conseil Municipal. Entre les personnes qui portent plainte pour les dégâts de la pluie et les embrouilles de “voisinage”, c’est loin d’être de tout repos. ». Décontracté et solaire, tu te fais violence pour tenir ton rôle. Tout pour continuer à régner.

Et finalement, ça t’échappe, comme le sang empoisonné qui se déverse d’entre les lèvres du Roi trahi. « Et toi ? Tu te fais accompagner maintenant ? ». Le coup de grâce arrive dans un murmure. « On se demande qui a besoin de protection, ici. ». La vérité ne découle jamais de la Trahison. La vérité, elle reste cachée, bien au fond de ta gorge.
La vérité, c’est que tu me manques.

Tu le connais par cœur, chaque fossette, chaque grain de beauté, la façon qu’il a de sourire avec les yeux, ou quand il est un peu contrarié. Tu le connais par cœur. Ou tu le connaissais par cœur. Le Logan qui se tient devant toi semble à des années lumières des souvenirs que tu garde précieusement. Des souvenirs que t’as voulu éteindre avant de comprendre que tu ne pourrais pas continuer faire comme si rien n’avait existé entre vous deux. Ce Logan d’un instant révolu, avant, avant, quand tout n’était pas aussi foireux que maintenant.
Ca fait longtemps.
Car avant c’était impossible de vous séparer, six ans l’un à côté de l’autre, jamais trop éloignés, main dans la main, peau contre peau, cœur contre cœur. Tu l’entends qui bat pour toi ? Ca fait longtemps, parce que son absence a crée un vide que tu ne pensais pas pouvoir connaitre, et ça fait terriblement mal. Mais tu n’en montreras jamais rien. Il n’y a que la première nuit où t’as craqué, que la première nuit où t’as laissé Kazimir panser tes plaies. Puis t’as fait comme toujours, t’as redressé la tête et les épaules, prête à porter ta propre couronne. Juste une reine sans son roi.
Oui, je travaille au service juridique du Conseil Municipal. Entre les personnes qui portent plainte pour les dégâts de la pluie et les embrouilles de “voisinage”, c’est loin d’être de tout repos
Ton sourire qui se fige un instant, tu viens mordre rapidement l’intérieur de ta joue pour ne pas répondre du tac au tac, pour ne pas sauter sur l’occasion pour tout détruire en un instant. S’il travaille au Conseil Municipal surement qu’il faudra que t’ajuste ton planning, pour ne pas le croiser comme maintenant, sans être préparée, à essayer de garder ton sang froid légendaire.
Et toi ? Tu te fais accompagner maintenant ?
Incapable de détourner ton regard, tu accuse le coup, sans te laisser démonter. Toujours droite, toujours si droite, toujours trop droite. Malgré le poids sur tes épaules, malgré le poids dans ta poitrine, malgré le poids dans ton ventre. Les papillons transformés en rocher, y a plus rien de romantique dans vos échanges, juste de la douleur déguisé en banalités.
On se demande qui a besoin de protection, ici.
Nouveau coup, plus difficile de rester impassible, ta bouche qui s’ouvre un instant. Tu te ravise. Toujours sur ton visage, un sourire factice, toi comme lui, vous avez été entrainé depuis la naissance, à simuler un semblant de stabilité.
Surement toi, tu sais les embrouilles de « voisinage » ça peut très vite dégénérer, enfin d’après ce que mon frère a pu me raconter
Mais surement que vous ne parlez pas des mêmes types d’embrouilles de voisinage. Et tu sais qu’il le sait. Comme une lueur dans ton regard, parce que tu te sens surement un peu blessée qu’il ai lancé les hostilités, parce que maintenant tu ne peux plus reculer. T’as envie, juste de partir, de tourner les talons, de ne pas l’affronter. Trop d’années à jouer dans la même équipe, aujourd’hui ça te laisse comme un goût amer quand tu prépare tes armes.
Mais oui je me fais accompagner, Kazimir n’a pas spécialement envie que je sorte toute seule par ses temps qui courent… Si le Conseil Municipal faisait son boulot on se sentirait surement un peu plus en sécurité
Et t’es si douée Tallula, à mentir comme tu respires, devenir cette pauvre fille traumatisée par les émotions, la peur (( trop réelle )) dans tes yeux, tes lèvres qui tremblent un peu. T’es de ces filles qui ont peur de sortir la nuit, du moins en apparence, parce que c’est ce qu’on attend de toi. Dans ta poche ta lame aiguisée, encore rouge du sang du soldat qui a essayé de t’attraper.
Comment vont tes sœurs ?
Alors que tu passes du coq à l’âne, diluer le poison dans l’anodin, juste des retrouvailles un peu distantes, rien de plus.
(( et ton cœur qui pleure en silence ))

Le mépris ne t’allait pas au teint. Tu étais fait pour briller, pour renvoyer une chaleur réconfortante et rassurante, pas pour inspirer l’arrogance. Et pourtant, avec tes lèvres pincés, tes paupières tombantes, tes yeux luisants, tu as l’air d’un Roi fier. ((Tout pour cacher ton coeur brisé.))

Un gloussement suffisant t’échappe devant la provocation de la rousse. ((Elle a changé.)). Son cran t’étonne, mais tu ne te laisses pas impressionner. ((Ou peut être que tu ne l’as jamais vraiment connu.)). « Oh, j’imagine qu’il doit bien s’y connaitre, ton frère. Je lui fait confiance à ce sujet. ». Il fut un temps où tu t’imaginais régner sur la ville avec Tallula. Fantasme grotesque d’enfant qui n’a jamais vraiment trouvé sa place dans tes ambitions. Mais ça t’avait traversé l'esprit. Toi, Roi du Jour, elle, Reine de la nuit. Belle Illusion.

Voilà qu’elle s’aventure sur un terrain dangereux. Le seul refuge que tu avais trouvé pour ne pas penser à elle, autre que les comptoirs des bars. Le travail. Ton regard fuit rageusement, juste un instant, avant que tu ne te rapproches encore, juste assez pour qu’elle puisse sentir ton souffle sur sa joue. « Si les mutants savaient se tenir, on en aurait peut être moins, du boulot. Ça serait tellement plus facile que tout le monde dénonce son voisin, qu’on en finisse. Tu ne croies pas ? ». Le timbre de ta voix résonne dans ta gorge, mais ton sourire lumineux brille d’une lueur presque menaçante. ((N’oublies pas, Lulla.)). Tu ne la lâches plus. ((Je sais qui tu es.))

Un silence plane, tu t’écartes finalement. L’espace d’un instant, tu espères que les senteurs d’alcool n’ont pas traversé tes lèvres. Ça serait le pire moment, avec la pire des personnes. Et tu entendais toujours les vagues prisonnières de la flasque de métal au fond de ton sac. ((C’est dans ta tête, Logan.)).

Les mondanités reviennent sur le tas, te rappellent presque à l’ordre, tu resserres le noeud de ta cravate. « La routine. Rose t’embrasse, d’ailleurs. ». Tu lui manques, que tu voulais ajouter. Tu me manques, que tu aurais renchéris. Mais l’heure n’était pas à l’émotion, et tu sentais ta gorge te gratter à mesure que cet échange s’éternisait. Seulement, tu ne pouvais pas t’éclipser. Cela aurait été synonyme de défaite. Et les King ne perdent jamais. « Et toi ? Tu a repris le business familiale ? ». Un rictus soulève la commissure de tes lèvres. « La vie d’adulte, hein. ». Quelle vie de merde.

Oh, j’imagine qu’il doit bien s’y connaitre, ton frère. Je lui fait confiance à ce sujet.
Tu ne répond pas à la provocation, juste un silence appuyé, ton regard contre le sien. Ça pourrait presque te faire rire, Logan et Kazimir main dans la main, à se faire confiance. Ça pourrait presque. Mais pas actuellement. Deux à trop t'aimer, et que tu as aimé surement bien trop fort en retour, aujourd'hui il ne reste que ton frère, éternel fidèle, alors que Logan se peint de haine et de dégout, sans sa façon de te regarder, ton palpitant qui pleure en silence dans ta cage thoracique, et toi qui joue les insensibles.
Un instant vous êtes trop loin.
La seconde d'après vous êtes trop prêts.
Lui à quelques centimètres de toi, depuis quand votre proximité est-elle devenue un champ de guerre ? Tu ne sais plus. Ces derniers mois qui se sont écoulés en un éclaire, tu n'as eu le temps de rien, pas même de faire ton deuil, encore au stade du déni surement, à essayer de croire que tout ça se réparera tout seul demain. Oui. Demain. (( et c'est à toi que tu mens )).

Si les mutants savaient se tenir, on en aurait peut être moins, du boulot. Ça serait tellement plus facile que tout le monde dénonce son voisin, qu’on en finisse. Tu ne croies pas ?
Tu le connais par coeur.
Et c'est ça le plus douloureux surement. C'est qu'il pense chacun de ses mots, et que les sous-entendus prennent trop de place dans la discussion. Hein Tallula, qu'est-ce que tu dis de ça.
Moi qui pensais que t'écoutais en cours d'histoire, faut croire que non en fait
Une pause, parce que t'es aussi mauvaise que lui, parce que tu lui rappelle vos années lycées qui semblent un peu trop loin, presque dix ans en arrière. (( si loin )).
Tu voudrais pas qu'on finisse comme les allemands.
Jugement dans ton regard, ton insulte implicite, lui rappeler les époques de dénonciation en Europe et tout ce que vous avez pu lire dans vos livres d'histoire. C'est un coup bas, mais il a décidé de jouer avec les mauvaises règles, alors tu continue comme lui, amère, t'as jamais aimé quand vous vous disputiez. (( T'étais toujours la première à pleurer )). Mais le voilà qui s'écarte, briser la tension, revenir à vos mensonges et banalités, comme deux vieilles connaissances qui se retrouvent.
La routine. Rose t’embrasse, d’ailleurs.
Alors qu'il joue avec sa cravate, il a presque l'air adulte comme ça, tu lutte pour ne pas lui taper sur les doigts et ajuster toi même le noeud, vieilles habitudes qui ont la peau dure. A la place tu serre délicatement ton poing derrière ton dos, pour contrôler tes émotions.
Tu lui diras le bonjour de ma part
Banalité sur banalité, comme si t'allais prévoir un brunch avec Rose demain, l'idée est farfelue, t'as pas vu un King depuis la nuit fatidique, à esquiver le téléphone qui sonne et ignorer les lettres, belle-famille effacée, trop compliqué d'expliquer à la terre entière pourquoi vous n'êtes plus ensemble. (( Et pourquoi au juste ? ))
Et toi ? Tu a repris le business familiale ?
Il a dans son sourire quelque chose de moqueur. Il parle de ta famille comme d'une entreprise, encore des réalités déguisées, ça te fait si mal parce que tu voudrais que ça soit comme avant. Parce que tu voudrais lui dire à quel point c'est dur, à quel point tu coule, à quel point tu déteste tout cela. Il a toujours su ton avis sur ta famille, mafia qui a toujours tourné sans toi et c'était très bien comme ça. Alors pourquoi maintenant ? Mèche rebelle que tu rejette derrière ton oreille. Il fait chaud.
La vie d'adulte, hein.
Un rire qui t'échappe, désabusé, c'est pas ta vie. Peut être la sienne. Tu sais plus vraiment.
Père et Abram sont en dehors de la ville, tu as du entendre parler de ça, avec la quarantaine ils se sont retrouvés coincés à New York
Tu parles comme si c'était normal, comme si c'était juste un voyage d'affaire, ni plus ni moins.
Et Kazimir se sent pas très bien. Tu le connais, il a toujours été très...Sensible. Il ne prend pas bien la situation
C'est un euphémisme. Sensible, fragile, malade. Ton frère et tout ce qui vous relie, Logan sait l'amour que tu lui porte, que sortir avec toi au fond c'était sortir aussi un peu avec Kazimir, troisième roue du carrosse un peu trop dangereuse.
Comme c'est les vacances j'ai pris du temps pour aider, les auditions peuvent attendre quelques mois, le temps que la situation se stabilise
Comme si demain tout irait mieux, tout irait bien. Oui. Demain. Vous êtes terrible, engoncés dans vos mensonges, à vous tourner autour comme des vautours, à chercher la faille pour faire tomber l'autre en premier. L'amour poison, devenu rance dans vos artères.
La vie tout simplement
Que tu ne peux t'empêcher de murmurer tout bas dans un murmure, en réponse à ses mots, seule trace de vérité, du poids que tu dois porter. Juste instant autoriser un peu de faiblesse, ça t'échappe, surement l'habitude, le sentiment de sécurité qui t’envahit quand t'es avec lui.

Ce bref instant où vous êtes proches, juste assez pour que tu puisses sentir un semblant de son souffle contre ta joue, il semble durer une éternité. Une éternité durant laquelle tu aurais eut tout le plaisir de l’enlacer, de l’embrasser, de la couvrir de cet amour qui brisait ton coeur chaque battement de cils. C’était douloureux de la regarder. Ses yeux, ses lèvres, son nez, ses sourcils, ses cils, ses paupières, ses tâches de rousseurs, une par une, l’ensemble de son visage te rappelait quelque chose, un baiser, une caresse, un sourire, une larme essuyée, et ce cercle infini ne cessait de te détruire de l’intérieur. ((La regarder te fait mal.))

Chaque pulsation est un rappel de cette nuit sombre où les étoiles se sont éteintes pour s’échouer sur Terre.

Boom Boom. ((Tu as peur.)).
Boom Boom. ((Il fait sombre.)).
Boom Boom. ((C’est un monstre.)).

Ton myocarde saigne, ton myocarde pleure, ton myocarde gémit, à l’agonie, il te supplie de le ménager, de l’épargner, parce que la Princesse de Glaces l’a déjà assez fait souffrir. Le danger rôde, tu le sens. ((Le danger, c’est elle.))

Le silence est d’or, tu ignores ses arguments historiques, détourne le regard pour offrir un sourire factice à un visage passager, l’air de rien. Les banalités de ce genre crispaient tes rictus, comme une sale habitude que tu entretenais dans l’unique intérêt général. La couronne pèse, tu dois continuer de contenter le peuple avec tes courbettes, tes mondanités de grand seigneur, toujours à briller pour faire oublier la crasse qui gît sous tes semelles dorées. ((Roi en carton.)).

Fil d’or rouge, mèche de caramel, elle se balade autour de son visage sans se ranger, perturbe l’harmonie du visage de glace, elle t’obsède et bientôt tu ne regardes qu’elle. Ses cheveux d’ange de feu, tu les as toujours adoré et même aujourd’hui, tu pourrais les enrouler autour de ta gorge pour offrir ton dernier souffle. Et comme une habitude, un geste perdu dans une faille temporel, tes doigts la saisissent pour replacer cette mèche de rouille. Juste un instant, tu n’as même pas le temps de reprendre ton souffle que tu t’es déjà écarté, ta cage thoracique s’est mise à trembler. ((Rien qu’un mauvais rêve.))

La voix de Tallula se perd dans le vide, ses mots sonnent creux, tu as du mal à suivre le rythme. ((Tu as soif.)). Elle te parle de Kazimir, de son père, des auditions, et tout cela te semble proche mais aussi terriblement lointain. Le poison qui bousille ton foi de jour en jour s’infiltre vicieusement entre tes neurones, provoque des secousses contre tes tempes, tu fermes les yeux un instant, presses ton index contre elles. Un rire t’échappe, amer, faible, tu replantes tes pupilles d’acier dans les siennes. « La vie dont tu rêves, hein ? Laisse-moi rire. ».

T’arrives pas. T’arrives pas à faire semblant que tout est normal. ((Une vie sans elle.)). T’arrives pas. T’arrives pas à fermer les yeux sur ce qu’il se passe. ((Sa vie sans toi.)). « Je pensais te connaître. Mais faut croire que je me suis trompé. ». La couronne est tellement lourde. Si lourde qu’elle fissure le masque de pierres précieuses, les diamants se fissurent, la rivière précieuse qui couvre ton visage tombe en ruines. « N’est-ce pas ? ».
Tu voulais juste qu’elle te prenne dans ses bras.
Tu voulais juste qu’elle le dise.
((C’est une blague.))
Tu voulais te réveiller.
((Rien qu’un mauvais rêve.))

Il y a comme un instant, suspendu. Un instant où vous rembobinez l'histoire en arrière. Il a ce geste, anodin, une sale manie qu'est restée gravée dans sa peau, dans ses os. Replacer tes mèches rebelles, encore et encore, presque inconsciemment, sans se rendre compte qu'à chaque fois qu'il fait ça, t'as le coeur qui se fait la malle.
Il n'a jamais remarqué.
Ton souffle qui se bloque dans ta poitrine, maintenir ton regard sur son visage, étudier son nez, ses sourcils, ses lèvres. La façon dont il les fronce de façon imperceptible quand il se rend compte de son geste, et puis le tremblement infime. T'aimerais savoir ce qui se passe en cet instant dans sa tête, ce qu'il revoit, ce qu'il imagine. Ton contact qui le révulse. Et encore et encore, pas une journée sans que tu ne te repasse ses mots de rejets en boucle : monstre, et au fond, c'est surement ce que t'es.

Déjà ailleurs, déjà autre chose, reprendre votre danse des faux semblants, à celui qui vend le plus sa vie pourrie à l'autre, pour le rendre envieux, jaloux. Je suis mieux sans toi alors qu'en réalité toi tu crève en son absence, comme une amputation d'un membre que tu n'avais jamais vraiment reconnu, aujourd'hui la douleur fantôme te tiens éveillée en permanence.
La vie dont tu rêves, hein ? Laisse-moi rire.
Ce n'est pas la vie dont je rêve Logan. Mais c'est la vie que j'ai
Comme un aveux, une réponse sèche, parce que toi comme lui, tu n'as pas le choix, parce que la couronne est lourde, parce qu'il y a toute cette armée clandestine qu'a les yeux rivés sur toi et qu'au moindre faux pas tu finiras dévorée par les loups. Gamine qui ne connait rien, entre ceux qui te manipulent et ceux qui prévoient ta mort, tu commence à comprendre la paranoïa de ton frère, enfermé dans sa tour d'ivoire.

Je pensais te connaître. Mais faut croire que je me suis trompé
Il a les mots assassins, les mots violents. Et c'est si douloureux, de voir quelque chose au fond de ses yeux, ses pupilles abimées par les nuits blanches, par les démons qui rodent, tu l'as salement attaqué, avec ton pouvoir dégueulasse.
N'est-ce pas ?
Et ça te fait vaciller, un peu, beaucoup. tes bras croisés sur ta poitrine, serrer fort, tes lèvres aussi.
T'es injuste Logan
Soufflé tout bas, parce que tu refuse de lever la voix, au milieu d'un couloir, dans un territoire qui n'est pas le tien.
Tu me connais sur le bout des doigts, je ne t'ai jamais rien caché
Ou peut être quelques secrets enterrés y a longtemps, tes mensonges transformées en demi-vérités édulcorées pour ne pas briser votre équilibre parfait. Mais comparé au reste du monde, il est surement celui qui sait vraiment ce qui se cache derrière ton masque.
Tu n'as pas le droit de dire ça...
Te rapprocher un peu, juste un peu, se mettre à son niveau, le regarder droit dans les yeux. Surement qu'il ressent un frisson à l'arrière de sa nuque, surement qu'il ressent comme un poids sur ta poitrine. Miasme terrifiant qui s'échappe, une aura funeste que ne contrôle pas, encore moins lorsqu'on te brise le coeur, encore et encore, à répétition.
Et c'est exactement ce que fait Logan avec ses mots.
Tu crois que j'ai choisis ça ?
Premier aveux.
T'as les yeux qui brillent.
Les défenses qui tanguent.

((T’es injuste, Logan.))
Bien sûre que tu l’étais. Il le fallait. Vous ne pouviez pas continuer à jouer les couples parfaits alors que la chute de ces météorites avait entraîné votre perte à tous les deux. Rien ne serait plus comme avant, et même si Tallula était une victime au même titre que toi, tu pensais égoïstement qu’elle avait choisi de t’entrainer dans sa chute. Car quand elle finira par apprivoiser son pouvoir, quand elle en comprendra toutes les subtilités, quand elle sortira enfin de ses ténèbres intérieurs, qui te tirera de ton enfer à toi ? ((Personne.))

Sans le vouloir, elle a fait ressortir de sa boite toutes les angoisses et les craintes que tu avais désespérément caché. La peur de l’engagement intimement lié à ta peur de l’abandon, la peur de la solitude, la peur du noir, la peur d’être impuissant. Une caresse avait suffit à fissurer ton armure, à broyer ta couronne, à enflammer ton trône. Et ton corps était resté pourrir sur cette estrade, tombant en ruines avec le reste de ton innocence amoureuse.

Tu l’aimes. C’est certain, tu n’as jamais cessé de l’aimer. Tu l’aimes mais elle te fait peur. Si bien que quand tu la regardes, délicate dans sa vulnérabilité, tu ne sais pas si ton coeur bat d’amour ou d’effroi. Et si tes nuits n’étaient pas tachées de cauchemars incessants, si le souvenir insupportable de cette soirée d’horreur n’était pas gravée dans ta mémoire, tu sais que tu te risquerais à l’embrasser, quitte à mourir sous les coups assassins de ton myocarde craintif.  

Tu la regardes, en silence, un rire amer traverse à peine tes lèvres. « Ah, c’est vrai, j’oubliais. ». ((Roi cruel.)). Tu sens les palpitations dans ta gorge, la soif qui te reprend, le bruit des vagues au fond de ton sac. ((Tu attends la guillotine.)). « J’oubliais que j’étais le méchant de l’histoire. ». Tu es celui qui a rompu après tout. Tu es le vilain garçon qui a brisé le coeur de la frêle jeune fille. Tu es le sale type qui drague à droite à gauche alors que la demoiselle se morfond. Les gens se fichent de savoir que tu ne dors plus. Les gens se fichent de savoir que chaque jour, chaque soir, tu luttes contre des démons qui hantent ton esprit chaque fois que tu fermes les yeux. Les gens se fichent de connaître la vérité, tant qu’ils ont quelqu’un à blâmer. Ton père avait raison. ((Ils veulent juste un coupable.)).

Elle est là, tout proche, tu le ressens dans tout ton corps, dans chacune de tes veines, dans chaque pore de ta peau. Elle t’habite, elle te chamboule, elle inonde ta tête, ton coeur, ça se mélange, tu n’arrives plus à réfléchir, ton sourire vacille, c’est imperceptible mais tu sais qu’elle, elle le remarquera. « Arrête. ». ((Elle te fait vriller.)). « Arrête de faire comme si t’étais la seule à souffrir. ». Arrête de faire comme si tu ne l’aimais plus. ((Tu es meilleur menteur que ça, Logan.))

C’est tellement facile de blâmer les autres pour ses souffrances. Tallula pouvait te reprocher de l’avoir abandonner. Elle pouvait te reprocher de lui avoir tourner le dos. Mais tu pouvais également jouer le jeu. Lui mettre ta peur, tes cauchemars sur son comptes. Même si ce n’était pas de sa faute, même si elle ne se maîtrisait pas, c’était toujours plus facile de faire comme si vous n’étiez pas deux enfants incapables de contrôler la situation. Un mouvement attire ton regard, la réunion qui ne va pas tarder. Et tu ressers discrètement ta cravate.
((Comme une envie de te pendre avec.))

De tous les regards difficiles à supporter, tu ne pensais pas que celui de Logan serait le pire. Et pourtant vous y voilà. Pire que la déception de ton père, pire que la haine de ton frère, la terreur que tu lis au creux de ses pupilles, que tu peux presque gouter dans l'air est ce qu'il y a de plus douloureux au monde pour toi. Tu l'aime tellement. Même maintenant. Même après qu'il t'ai brisé le coeur en morceaux, même après qu'il t'ai rejeté avec autant de violence. Tu l'aime tellement. Mais ta fierté qui prend toujours le dessus, ravaler tes sentiments et les cacher, garder ton masque de poupée glaciale plutôt que de lui avouer la vérité.
regarde moi, je vis si bien sans toi.
Ah, c’est vrai, j’oubliais
Son rire. Il te transperce. Mais tu ne flanche pas. Son rire, et puis ton cœur.
J’oubliais que j’étais le méchant de l’histoire.
Tu te donnes un peu trop d'importance, tu ne trouve pas ?
Que tu souffle tout bas quand ses mots t'atteignent. C'est plus fort que toi, l'aigreur dans ta voix, ta bouche qui se tord de dégout, parce que tu déteste qu'il ramène tout à lui. Deux égoïstes qui se battent pour le monopole de la douleur, pourtant t'es persuadée d'être dans ton bon droit quoi qu'il arrive.
Alors tu libère, un peu de ta monstruosité, puisqu'il semble être si enclin à te rappeler à quel point tu le dégoute. Tu libère un peu de cette noirceur qui peuple tes rêves, tes jours, tes nuits. L'impression pendant un instant de contrôler quelque chose (( éphémère )).


Arrête
non
Arrête de faire comme si t’étais la seule à souffrir.
Tu te recule doucement pour le dévisager. Bien sur que tu n'es pas la seule à souffrir. Bien sur que lui aussi souffre. ce que tu lui as fait vivre a du être insurmontable pour quelqu'un qui n'était pas préparé à la violence de ton pouvoir. Mais t'aimerais qu'il n'oublie pas non plus que tu n'as jamais rien demandé, que si cela ne tenait qu'à toi tu serais restée terriblement normale, déjà trop loin de l'humanité de part ta famille, c'est déjà amplement suffisant.
Tu suis son regard vers la salle, la réunion, sa cravate, son costume, vos différences.
T'as la bouche pleine d'aigreur, l'envie de le pousser dans la salle pour qu'il arrête de te regarder, pour qu'il te laisse en paix, pour qu'il te laisse pleurer. (( gamine fleur bleue )) T'as la bouche pleine d'aigreur et ça te rend mauvaise, ça te rend injuste. Terrible. Dans tes yeux, le bleu qui se durcit, d’océan tu deviens glace.
Je ne suis pas la seule. Je ne compte pas être la seule
A souffrir.
Lentement tu te rapproche de lui, ta main gantée sur sa joue une caresse comme avant (( nostalgique )), avant de combler le vide pour déposer tes lèvres sur le coin de sa bouche. Baiser papillon manqué de quelques millimètre. Et peau contre peau, ton poison qui se déverse, le choc doit être désagréable, en rien comparable avec la dernière fois, mais désagréable néanmoins. Puis tu abrège le contact.
Ne fais pas attendre tes collègues, c'est malpoli
Alors que tu réajuste son col, efface la trace de rouge que tu as laissé du bout du pouce, puis tourne les talons sans rien ajouter. Tu marche jusqu'à être certaine qu'il n'est plus capable de te voir, tu marche jusqu'à ton garde du corps qui t'attends sur les marches de la mairie, tu marche jusqu'à t'effondrer dans ses bras. Un simple filet de pouvoir et tout ton corps qui lâche.
Ou alors c'est juste ton coeur qu'est plus capable.
Retenir tes larmes, parce que ça ne sert à rien. Parce que t'as promis à ton père, de ne jamais leur montrer tes faiblesses, et que tu ne compte pas les laisser apparaitre maintenant.
On rentre
La voix rauque alors que tu te redresse tant bien que mal, te laisser aller sur le siège de la voiture, tu voudrais déjà tout oublier.

Le mensonge est une partie intégrante de ton éducation. Ton père t’a toujours appris à mentir car la vérité a un prix et que tout le monde ne la mérite pas. Les gens ne veulent pas entendre la vérité, ils veulent entendre ce qui les arrange. Le peuple veut un fantasme, le peuple veut un rêve éveillé. Et en bon souverain, tu as toujours pris soin de ne leur offrir que le côté brillant de la couronne. Mais voilà, le règne du Prince aimant est terminé, il a laissé place à un impitoyable Roi. ((La lumière s’est éteinte.))

Tu te donnes un peu trop d’importance, tu ne trouves pas ? Ton sourire pour seule réponse, tu caches l’entaille infecté de ton coeur derrière ton visage poli. Encore très récemment, tu en avais, de l’importance. Ou peut être était-ce simplement une impression. Peut être qu’au final, tu n’en avais pas tant que ça, de l’importance, à ses yeux. Peut être que tu n’étais qu’un trophée, une parure qui lui allait au teint. Tu n’en sais rien. Tu as l’impression de ne plus la connaître. Ou peut être est-ce toi que tu ne reconnais plus ?
((Tu es perdu)).

Le climat change, le tonnerre gronde, les nuages inondent le plafond, un vent glaciale te traverse en un instant, gèle tes os, juste en un regard. Tu sais que tu n’as pas été tendre et voilà que la bête se réveille sans que tu puisses y échapper. Faussement confiant, tu la toises en retour. Hors de question de montrer tes faiblesses. ((Les vagues dans ton sac.)). Hors de question de baisser les yeux. ((Ton palpitant en morceaux.)). Hors de question de paraître faible. ((Rien qu’un mauvais rêve.))
((Un mauvais rêve.)).

C’est tout ton corps qui se crispe comme si tu étais tombé dans les filets de Médusa. Les extrémités de tes membres se transforment en marbre alors que sa main glisse sur ta joue. ((Boom Boom Boom Booom)). L’impact est douloureux, ses lèvres de velours sur ta peau, c’est un plaisir empoisonné, et ça te pourri de l’intérieur. C’est bref mais violent. Des images, les mains fantomatiques qui plantent leurs griffes dans ton buste, les visions de tes cauchemars qui inondent ton crâne, ça s’accélère, ta cage thoracique tremble autant que le bout de tes phalanges. A cet instant, tu veux simplement en finir.

Et quand elle se recule, l’air du prince s’est évanoui pour laisser place à un enfant craintif. Le teint pâle, maladif, les globes oculaires qui dévorent ton visage, vitreux et perdus. Ta couronne a explosé en un baiser et tu es incapable de faire le moindre mouvement. ((Boom Boom Boom Boom Boom Boom)). Ca bat trop vite là-dessous. C’est infernal. ((Boom Boom Boom Boom Boom Boom)). Tu veux juste t’arracher le coeur et lui jeter au visage mais Tallula, elle est déjà loin. Elle te laisse dans ta détresse.
((C’est elle, la méchante de l’histoire.))

« Monsieur King ? ». Retour brutal à la réalité. Tu as l’impression d’avoir rêvé. « Oui, excusez-moi, j’arrive tout de suite ! Je dois juste me rafraîchir. ». La mécanique du Roi s’actionne avec tout l’effort du monde, articulant un sourire charmant à la personne. Tu t'éclipses juste un instant. Et le bouchon de la flasque se dévisse dans un grincement désagréable.
((Rien qu’un mauvais rêve.))