The ghost of you is close to me, I'm inside out you're underneath ft Kaltrina

Dire que la mort est une vieille amie ne serait pas totalement un mensonge, trop souvent j’ai pris l’étoffe de son messager. Cela ne rendait pas les visites au cimetière plus facile, au contraire. Je connais son appétit, je sais que les corps sous mes pieds ne sont pas tous associé à une vie longue et bien remplis. Je force mon cerveau à ne pas enregistrer les dates, à ne pas faire la triste soustraction. La mort ne choisi pas qui est vertueux et qui ne l’est pas, elle prend, et elle prend, et elle prend encore. Insatiable déesse.

Le fardeau sur mes épaules était toujours plus lourd, si bien que mes articulations glacées s’ankylosaient un peu plus chaque jour. Parfois, je me demande si ce pouvoir n’était pas une façon détourner de me punir pour le mal que je n’ai su empêcher, en plus de celui que j’ai infligé. A quoi bon être un monstre si ce n’est pas pour protéger les innocents ? A fortiori les innocents auxquels on tient. Enfin, aucun Sergueïev n’était encore décédé sous mon égide.
Mais lui, lui il avait traversé le miroir.

La tombe de Zache Crows était le tragique rappel de mon échec, de mes échecs envers sa famille. Je me suis toujours promis de ne jamais regretter le passé, ne jamais réfléchir à ce que j’aurai pu faire autrement, ne jamais ... Culpabiliser . Tout enfermer au fond de mon âme pour pouvoir la présenter intacte de Saint Pierre, que mes méfaits soient jugés pour ce qu’ils sont, parce qu’il n’y a pas de repentis, Les gens ne changent pas. Jamais. Mon esprit ne peut s’empêcher d’hurler que si je m’étais occupé de Lasho en temps voulu, rien de tout cela ne serait arrivé. J’ai voulu lui laisser sa chance, j’ai voulu croire qu’avoir un enfant ferait de lui un père, qu’il arrêterait. La taille de sa tombe confirme bien le peu qu’il représente pour son entourage, si seulement je m’étais débarrassé de ce rat. Rien de tout cela ne serait arrivé, ni la captivité de Kaltrina, ni les années perdues avec son fils et cette tombe, à côté de la sienne, serait absente. Un carré d’herbe, c’est ce qu’il aurait dû y avoir. Pas tout ce marbre, pas cette photo, pas ces dates.
Mon poing tremble dans ma poche, serré autour d’une petite voiture acheté plus tôt au marchand du coin. Une stupide petite voiture pour augmenter sa collection. Mes mâchoires sont boulonnées, mes gestes saccadés lorsque je m’agenouille devant la tombe de l’adolescent. Je sais que je suis vide, je l’ai toujours été, je sais qu’on n’attend pas de moi des sentiments, je sais que … je ne devrais pas me permettre d’être touché à ce point. Je n’étais qu’une arme. Les armes, ça ne pleure pas.

Alors ma main sortira de ma poche pour déposer la boite froissée sur le côté de la tombe du jeune homme, j’aimerais avoir la force de lui parler, la force de ... Rire du fait qu’il disait qu’il était totalement au-delà des Hotwheels et que je devais arrêter de lui en acheter à chaque fois qu’on sortait de la prison, que je savais qu’il n’était plus en enfant et que bien sûr je l’aurai laissé conduire cette foutue Dodge ; mais pourquoi ça sortirait maintenant ? Pourquoi j’aurais le droit de vocaliser ? Moi qui est massacré, qui ait probablement créé des absences aussi lourdes que la sienne. Je ne devrais même pas m’autoriser à venir le voir. Ma présence était un affront surtout sachant ce que j’étais . Quand je me redresse, du coin de l’œil, je peux voir que je ne suis pas seul et ma voix, lourde et rocailleuse, n’est pas assez forte pour couvrir le vent, mais je sais, je sais qu’il m’entendra.

“See, told you your mother will always be there for you. “

Je n'ai pas peur de la mort, j'ai peur de c'qui vient après
@Stanislas Gniewko

Des clients qui s'enchainent, dans un flou constant, les mots mécaniques qui sortent de ses lèvres abimées, les mêmes gestes qu'elle répète encore et encore. Chaque jour qui ressemble à hier, qui ressemblera à demain, manège asphyxiant à se perdre dans une boucle dont on ne voit pas la sortie.
Encore, encore.
les échanges sans intérêts, quelques faux sourires arrachés, contre une poignée de billet, quelques dollars froissés au fond de sa poche. Il y a juste ce bruit de fond, en permanence, strident.
Si strident.
Juste ce bruit de fond, et puis tout le reste qui semble devenir trop diffus.
Lointain.
Et ça n'a plus vraiment d'importance.

Mécanique, par habitude, coucher la grand mère malade, s'asseoir sur le perron, fumer une cigarette ou dix en battant les cartes, à la recherche de quelque chose (( quoi ? )) et la bouteille jamais très loin.
Elle commence toujours pas une bière, quand c'est la fin de la journée, quand le dernier client est parti et qu'il est l'heure de fermer. Une bière puis deux ou trois, accompagnée d'une cigarette au tabac mélangé, l'odeur étrange que ça laisse sur ses doigts, ses cheveux. Une habitude qu'avait son père et dont elle a hérité (( elle se déteste )). Quand la soirée avance un peu, c'est la bouteille ambrée qu'elle ouvre, comme si le whisky était la solution pour arrêter le sifflement, pour rendre le monde un peu plus criant (( un peu plus vivant )). Un verre pour se donner du courage, se relever et enfiler un gilet.
On a beau être en pleins mois de juillet, elle a froid.
Un nouveau verre, qu'elle ne déguste même plus, les cartes rangées à leur place, au fond du tiroir. Un coquillage abandonné au fond du rangement, et quand elle le ramasse du bout des doigts, il y a comme un tressaut, dans le sifflement.
fuck you marmonné entre les dents, alors qu'elle sert un peu trop fort le coquillage dans sa paume, les bords cassants qui viennent attaquer sa peau, juste un pincement, alors qu'elle se ressert encore un verre.
why now ? after all these time ? parce que ça aurait pu être hier, ou dans dix ans.
L'au-delà et ses mystères. Un frisson qui la parcourt alors qu'elle referme le tiroir, la bouteille dans une main, l'autre refermée sur le coquillage, sans un mot pour sa mère, elle s'en va. (( elles ne se parlent plus depuis longtemps )).

Depuis l'enterrement qu'elle n'a pas réussi à franchir le cap, c'est sa grand mère qui a fait la veille, à dormir à côté de la tombe pour surveiller l'esprit. kaltrina n'avait pas pu. Le chagrin trop violent, et puis la nausée, de dormir, entre ses deux erreurs, entre ses deux douleurs. Lasho & Zache, père et fils, côte à côte, six pieds sous terre.
Y a le coeur qui bat, y a le coeur au bord des lèvres, y a le coeur qui se meurt à chaque pas qui la rapproche. Et puis le sifflement qui se fait moins présent, comme si le monde retrouvait un peu de couleur. Un peu de saveur.
Fuck you yeah, les messages de l'au-delà bon dieu ce qu'elle les hait. (( culpabilité déguisée en paranormal )).
See, told you your mother will always be there for you. Les mots murmurés dans la nuit tombante, et Stanislas qui se tiens devant la tombe, comme si ça pouvait changer quelque chose maintenant, la bouche qui se tord en un sourire douloureux, une nouvelle gorgée à même la bouteille pour essayer de se donner un semblant de force alcoolisée.
this is bullshit. Briser le silence, alors qu'elle ose enfin avancer un peu plus, le regard rivé sur Stanislas plutôt que sur la tombe (( leurs tombes )), malgré le manque de lumière, elle se raccroche à la glace de ses yeux, presque étonnée d'y lire des sentiments au fond de ses pupilles.
you shouldn't tell him theses kind of lies. I'm not gonna be always there parler de lui comme s'il était encore là. Au fond, il l'est un peu, tu le sens partout, du coin de l'oeil, un rire porté par le vent, un visage dans la foule. Nouvelle gorgée, l'alcool la rend amère. (( et si solitaire )).

Parfois, les vivants et les morts inversent leurs rôles. Le souvenir impérissable du rire de Zache contrasté avec l’apparent accablement de sa mère. Kaltrina n’était plus que l’ombre d’elle-même. La voir soulever cette bouteille me fait doucement secouer la tête. Pas ici Kaltrina, pas ici.  

“this is bullshit.” Soutenir son regard, déchiffrer la colère mêlée à une fatigue qui puise sa source dans sa douleur. Ils étaient loin les traits doux et tendre qu’elle arborait lors des visites de l’enfant en prison. Tout ce masque, cette force dont elle avait fait preuve, il a explosé. Qui peut lui en vouloir ?

“ you shouldn't tell him theses kind of lies. I'm not gonna be always there” Oh yes you will. Une mère est toujours là pour son fils, la tragédie est bien là Kaltrina. Crois en mon expérience, la plaie qu’il a laissée ne se fermera jamais assez. Tout l’alcool du monde ne sera pas capable de désinfecter tes pensées. Quand bien même, c’est, en partie, ce que tu sembles penser eh ? Mon regard croise le sien avant qu’elle ne porte la bouteille à ces lèvres. Une once de déception, de colère, rampe contre mon esprit. Comme si je pouvais la juger, comme si j’avais une morale supérieure à elle. Ah. Assume Stan, assume que si vous en êtes là, c’est aussi à cause de toi. Si elle boit, ici, face à son fils, au lieu de le tenir dans ces bras…

“You shouldn’t drink here.”  Mon intonation n’est pas moralisatrice, mais ferme.  Pas devant lui, pas … à côté de Lasho qui doit se réjouir de ce spectacle là où il est. Bien sur qu’elle est blessé, que c’est compréhensible ce genre de chose, hell, moi-même depuis sa mort j’ai rarement été complétement sobre mais … pas devant lui. Jamais devant lui.  Les quelques mètres qui nous séparent ne sont pas difficiles à avaler, mon regard ne quitte pas son visage, je cherche à observer chacune de ces expressions. Elle me rappelait beaucoup trop certains combattant. Fatigués, mais plus dangereux que n’importe quel gamin un peu frais. Elle fait ça la tragédie, elle crée ce genre de personne. Ce genre de personne qui hurle silencieusement.

“give me that.”  Cette bouteille de l’enfer. L’envie d’insulter ce démon ambré est grande mais pas ce soir, pas en ce lieu, pas face à sa tombe. C’est drôle d’imaginer que j’ai plus de respect pour les morts que les vivants. Enfin certains morts, cette bouteille pleine d’aigreur et de colère pourrait être versé sur la tombe du géniteur, après tout, n’avait-il pas été son esclave de son vivant ? Un soupir traverse mes lèvres pendant que ma main droite se saisit de l’alcool, sans agressivité, mais avec fermeté. Il n’est pas difficile de la faire lâcher, est-ce elle seul qui la vider à moitié ? J’ose espérer que non. Le courage offert par la boisson était mauvais conseiller, fourbe, il la lâchera au pire moment qui soit. Mes doigts viennent se poser sur son épaule, sans l’agripper juste un bref effleurement pour l’inviter à faire demi-tour. Ajouter à sa peine une aura glaciale n’était pas forcement l’idée du siècle. Allez sweetheart, ce n’est pas comme ça que tu veux te montrer à ton fils, et tu le sais aussi bien que moi.

“Come on, I’ll drive you home.”  

La bouteille toujours entre mes doigts, les quelques gouttelettes d’eau qui s’étaient formées autour du verre se gèlent lentement, trahissant la fausseté de mon calme apparent.  

Je n'ai pas peur de la mort, j'ai peur de c'qui vient après
@Stanislas Gniewko

Il y a cette aigreur dans sa bouche, ce goût qui prend trop de place, qui colonise tout, qui lui donne envie de vomir. Elle boit pour atténuer ce goût encore et encore, une des raisons pour lesquelles elle enchaine les verres, pour essayer de se libérer de ce fichu goût. Mais ce n'est pas suffisant. ce n'est jamais suffisant et ça ne le sera jamais. La malédiction des Crows qui s'étale dans ses veines pourries, en tuant son père elle a récupéré son vice. (( Sometimes in the mirror, it's his eyes that are staring at her )).
Au fond une part d'elle serait presque soulagée de la mort de son fils, il n'aura pas à la subir comme elle a subit son père, comme sa mère a subit son grand père. Il est resté dans l'innocence, des brèves images aperçues derrières les barreaux, les quelques semaines à cohabiter de nouveau n'ont pas suffit à entacher sa réputation dans l'imaginaire de Zache.

You shouldn’t drink here. Et la voix de Stan qui lui fait froncer les sourcils, il a le regard qui désapprouve l'alcool, surement qu'il laisserait passer la bouteille s'il voyait l'état de tes veines. don't you dare tell me what to do craché dans l'air, sifflé, animal blessé. Des hommes qui lui ont conseillé de ne pas faire ci ou de ne pas faire ça, elle en a rencontré assez pour tout une existence, alors que Stanislas ose lui faire la remarque sur sa bouteille d'alcool, ça lui donne envie de hurler. de pleurer. de rigoler. Pathétique alcoolique. give me that qu'il reprend, en se saisissant de la bouteille. Ce n'est pas un geste de force, il n'a rien de menaçant. Mais Kaltrina n'arrive pas à voir ça, l'esprit brouillé par l'alcool, par la tristesse. no. sec, tranchant, alors qu'elle le met au défit de lui retirer son seul et unique pillier. Sans sa bouteille, surement qu'elle finirait par s'effondrer. par crever.
Mais elle a si peur de ce qui pourrait l'attendre de l'autre côté.

Il a ce geste, ses mains sur son épaule, le contact qui la brûle soudain (( ou bien la gèle )). No. For fuck sake ! Go away Stanislas, leave me alone ! La voix qui tremble, la fureur dans ses yeux alors qu'elle le dévisage, oublier en quelques secondes qu'il a toujours été là pour elle. Qu'il a toujours tendu la main. Qu'il n'a jamais fait quoi que ce soir de mauvais. Mais le deuil, l'alcool, la fatigue et la tristesse qui font mélanger tout le reste. Il n'y a plus grand chose de logique dans ses pensées. Come on, I’ll drive you home. Et leurs regards qui se croisent, qui s'affrontent, son attention portée sur le bleu des yeux de Stanislas plutôt que sur la bouteille, elle ne voit pas le givre qui se forme lentement sur la surface de la bouteille. I don't want your help Stanislas. I don't need you or your words. I juste want to be alone. Et tirer un peu plus sur sa bouteille, la bouche soudain trop sèche, un besoin de vider le reste et de se laisser dériver. Besoin de boire jusqu'à en gerber. Elle est prête à se battre pour récupérer son bien. Pourtant Stanislas est le dernier avec qui elle voudrait en venir aux mains.

« don't you dare tell me what to do » Alors c’est comme ça que ça aller se jouer eh. Las d’avance, j’essaie de discerner à quel stade d’alcoolémie elle est. Si discuter était à l’ordre du jour où s’il faudrait prendre des moyens un peu plus radicaux. Je suppose que tant qu’elle arrive à articuler, à protéger sa bouteille, c’est qu’elle est encore quelque peu parmi nous. Juste avec quelques inhibitions en moins, son « no » me fait déglutir, come on Kalt’ s’il te plaît, ne m’oblige pas à utiliser la force, pas avec toi. « No. For fuck sake ! Go away Stanislas, leave me alone ! » Alone? Dans ton état, non. Je ne veux pas lire ton nom dans la rubrique nécrologique demain sweetie. Finalement, il aurait été étonnant qu’elle ne rejette pas ma proposition de la raccompagner, c’était trop simple. Pire, j’ai l’impression de l’avoir offensé comme en témoigne son venin qu’elle crache quelques instants plus tard. « I don't want your help Stanislas. I don't need you or your words. I juste want to be alone » Yeah well, it’s not gonna happened. Un soupir traverse mes lèvres quand elle tente de reprendre la bouteille. Bien sûr que je suis plus fort qu’elle, que je pourrais lui retirer une nouvelle fois des mains sans même y mettre une once d’effort. Que je pourrais éclater la bouteille sur la tombe de ce salaud de Lasho, peut être que ça la réveillera, mais elle n’a pas besoin de ça, pas besoin de violence, pas besoin d’une nouvelle claque. Alors je ne lâche simplement pas mon grip sur la bouteille, la glace m’aide, scotchant le verre à ma main. Je la laisse tirer, la laisse imaginer qu’en s’approchant du goulot, elle pourra goûter au liquide ambré, pour finalement la relever hors de sa portée, « Kaltrina. Look at me. »

Attirer son attention, faire en sorte qu’elle ne pense plus au bien que pourrait lui procurer ce foutu remède. Qui en est tout sauf un. Est-ce qu’elle sait au moins où elle est ? Est-ce qu’elle se rend compte du spectacle qu’elle offre ? Je n’en suis pas certain. « List- Please. Listen. » J’ai appris très tôt à utiliser mon regard, tantôt pour mettre mal à l’aise, parfois juste pour déstabiliser juste le temps d’un instant, d’un coup porté, souvent juste pour faire taire, mais aujourd’hui pour qu’elle puisse s’y fixer. S’y accrocher. Ma voix s’élève quand enfin, j’arrive à capturer ses iris noires. Colère, tristesse, accablement, elle l’a bien dit comment je peux oser lui dire quoi faire ? « Not here. Anywhere but here. » Je ne la touche pas, je connais ses traumatismes comme je connais ma violence. Même si j’essaie d’être doux, je pourrais faire pire que mieux, alors je me contente de reculer si elle avance, de jouer avec elle comme un matador avec un taureau, le drapeau rouge prenant forme de sa bouteille à moitié pleine. Essayant de lui faire entendre raison, parce qu’elle a beau dire qu’elle n’a besoin de personne, c’est faux. Tout le monde a besoin de quelqu’un. Surtout dans ce genre de moment. Colère remplacée par la tristesse de la voir dans cet état, la glace s’amuse de mes états d’âmes chaque pas que je fais baisser la température à mon immédiate proximité, me rappelant insidieuse que je ne suis pas si éloigné de ceux qui logent ici, 6 pieds sous terre.

Je n'ai pas peur de la mort, j'ai peur de c'qui vient après
@Stanislas Gniewko

Il dans l'air comme une accumulation de toute sa rage, de toute sa détresse, de toute sa tristesse, le tout amplifié par l'alcool qui court dans ses veines. Trop sensible, empathe maudite, elle a la peau à vif et le coeur en berne quand Stanislas s'impose dans son univers. go away, comme on chasse un mauvais esprit, de ces soirs où elle rêverait d'être seule au monde. Ils sont trop nombreux, ces soirs, la solitude comme une punition, peut être qu'au final c'est un signe de l'univers pour qu'elle reste éternellement seule.
Elle s'acharne sur la bouteille, comme on s'acharne sur une corde en pleine tempête, seule vérité éternelle, les réponses qu'elle trouve dans la chaleur de l'alcool et l'ivresse destructrice. Stanislas veut lui enlever ça. Il veut lui retirer ça aussi. Il n'a pas le droit. Non. Pas ça aussi. Si elle était un peu plus sobre, un peu moins triste, un peu plus stable, peut être qu'elle accepterait de lâcher l'affaire, d'enlever ses doigts de la bouteille. Mais ce soir c'est différent. Compliqué. Douloureux. Abandonner serait perdre encore une fois. Elle en a assez de perdre.
Kaltrina. Look at me.
Non. Elle refuse. Non. Elle ne veut pas se plonger dans ses iris glacés, elle ne veut pas y lire la déception, le regret, la tristesse qui pourrait s'y être installé. Elle ne veut pas se voir elle même, reflet déformé, dans les pupilles d'un des rares à ne pas vouloir l'abadonner.
List- Please. Listen.
Mais elle n'y arrive pas, à fuir, la voix comme un aimant, alors qu'il parle, l'ordre qui claqué dans l'air et ses yeux qui se fracassent aux siens.
Océan glacé.
On a beau être en plein été qu'elle sent son sang descendre de quelque degrés dans ses veines, la main sur la bouteille qui soudain semble engourdie par le froid.
Not here. Anywhere but here.
Ses mots qui la frappent. Si fort. Fort. Fort. Pas ici. Ici ? Non. Pas ici. Pas devant lui. Et la honte qui s'installe.
God I fucking hate you
Soufflé entre ses lèvres alors que ses doigts s'ouvrent difficilement, pour libérer la bouteille. Elle chute. Le vide soudain trop important, l'angoisse aussi, l'impression qu'à tout instant Lasho va sortir de sa tombe pour la tirer avec lui en enfer. Elle tremble.
I. fucking. hate. you.
La voix qui tremble, le corps aussi, alors qu'elle relève la tête pour dévisager Stanislas. Parfois elle voudrait savoir comment ils en sont arrivés là, alors qu'il y a même pas dix ans c'était tellement différent. Les heures dans la voiture à faire semblant, s'échapper un instant, à rire, à s'amuser, à fuir la Bratva et les conséquences. Tout ça pour quoi ? Pour ça ?
You don't have the right to shame me like that, not now, not ever.
La bouche pâteuse, l'alcool trop présent encore dans ses veines, elle franchit la distance, un pas, deux pas, frapper son poing contre la poitrine de Stanislas. Elle sait très bien que la violence ne mènera à rien, surtout contre lui (( elle a vu ses combats trop de fois )). Mais c'est plus fort qu'elle.
You don't understand Stan...
Nouvel impact, c’est ridicule, elle n'a jamais eu de force, pas vraiment une battante, plus habituée à subir qu'à donner.
No one understand
Murmuré tout bas, elle ne sait même plus de quoi elle parle, pourquoi, comment, quand. Juste du flou. De la douleur. Terrible douleur. La perte est encore trop fraiche. Comme si on l'avait amputée de son organe vital le plus important, la laissant à vif, sans aide pour cautériser la plaie. Un cadavre ambulant. Voilà ce qu'elle est.
Frapper encore, et puis les larmes, les larmes qui dégoulinent le long de ses joues. Les larmes amères, salées. Les larmes qui refusent de s'arrêter.