[TW] Wrath and rage

Les insultes fusaient sur son passage dans le couloir bordé de cellules, les cris pour avertir les autres plus loin aussi, résonnant sur les murs et les portes avec le bruit de leurs bottes de combat sur le sol. Un joyeux bordel auquel il n'avait jamais prêté attention, alors que les deux autres soldats s'arrêtaient devant une porte, attendant une confirmation pour l'ouvrir. Un bref signe de tête, suivi du grincement des charnières et le courant d'air glacé qui s'était presque aussitôt échappé de la petite pièce, avant que les deux hommes ne s'engouffrent à l'intérieur. Quelques instants durant lesquels il s'était nonchalamment appuyé contre le mur opposé, jetant un rapide coup d’œil par la petite fenêtre de la porte à côté - et un sourire amusé à l'occupant de la cellule qui s'était tapi dans le coin opposé, avant que les deux ne ressortent, tenant et traînant entre eux plus que guidant le mutant responsable de la soudaine chute de température.

Et chemin inverse, le bruit de fond, s'amenuisant à mesure qu'ils remontaient le couloir pour rejoindre les salles d'interrogation. Une en particulier, spécialement aménagée pour certains cas difficiles: vide à l'exception d'un épais anneau de métal au sol, auquel était reliée une chaîne tout aussi épaisse et solide. Pas besoin de plus après tout, alors que les soldats jetaient le mutant du jour au sol pour l'y attacher, mains dans le dos, avant de partir se poster à l'extérieur. Le silence dans la pièce alors qu'il tournait lentement autour de l'homme, s'approchant tranquillement en observant les nombreux changements depuis sa capture un mois et demi auparavant. Rien que dans sa façon de se tenir, tirant un peu plus ses lèvres en un sourire carnassier alors qu'il tendait la main droite pour frôler la nuque offerte. Le M noir, abyssal, qui s'y étendait, et le picotement presque instantané de son côté, lui signalant la présence d'encore plus d'encre prête à servir s'il le souhaitait.

Un pas en arrière, et quelques autres sur le côté pour refaire un petit tour, avant de lancer son pied dans le côté de l'homme. Pas vraiment fort, mais pas doucement non plus, et juste parce qu'il en avait envie. Et reprendre sa petite ronde comme si de rien était. How are we today, Mr Gniewko? Still not dead? Non, malheureusement, sinon il ne serait pas là. Mais il fallait le garder en vie pour le moment, pour des raisons qui lui échappaient totalement, même si personne n'avait pensé à préciser son état, peut-être même glissé quelques suggestions. Le nouveau pas en avant, l'attrapant par les cheveux pour tirer en arrière, le forcer à le regarder alors que l'encre autour de son poignet coulait entre ses doigts sur le crâne du russe. Still not willing to be a good boy and talk? Dingue comme les choses pouvaient changer en quelques mois, juste à cause de quelques cailloux tombés du ciel, alors qu'il projetait la tête de son ancien supérieur hiérarchique vers le sol.

Le couloir s’agite, des cris, des coups dans les murs, des insultes, Stan devrait se réjouir de cette vie « extérieur » lui signifiant qu’il était loin d’être seul derrière ses murs de béton mais pas vraiment. Il préférait le calme, préférait les rares instants de silence où aucun cris ou pleurs ne se faisaient entendre. A défaut de pouvoir se réparer temporellement, l’homme compte les visites qu’on lui faisait. Il en recense 45, 1/3 ayant donner sur un interrogatoire, un autre sur des tests, le dernier sur de la violence gratuite. Il n’a pas comparé avec ces voisins, il est pourtant à peu près sûr que sa porte s’ouvre un peu plus souvent que celle des autres.

C’est pour ça qu’il n’est pas étonné quand pour la 46ème fois, elle s’ouvre. Laissant apparaitre deux agents peu commodes qui lui beugle de se lever. Il soupire le russe, épuisé par cette situation. La douleur est diffuse dans son organisme, et c’est peut-être le peu de fierté qu’il lui reste, mais il sort sur ses deux jambes presque sans boiter . Quand son regard croise la silhouette de Lawrence, il ne sait retenir un soupir, il aurait tellement préféré un humain. Les humains, c’était facile. Les mutants, beaucoup moins.

Docile, le russe se laisse guider, se laisse menotter au sol, ne montre pas de signe de faiblesse, du moins c’est ce qu’il aimerait croire. La vérité c’est que sa carcasse n’est plus aussi droite qu’avant, qu’imperceptiblement, ses muscles tremblent, que son bras droit n’est plus que l’ombre de lui-même, les cloques dû aux brûlures étant pour la plupart crevés, ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne s’infecte. Quand bien même, il aimerait avoir toujours cette image d’homme indestructible, son corps reflétait tout autre chose. Stanislas était comme les autres, juste un humain un peu trop fragile.

Le frisson qu’il n’arrive pas à cacher quand les doigts de Larry viennent toucher l’abomination dans sa nuque, c’était nouveau. Une anticipation, une ... peur ... ? Oui, probablement, qu’il n’avait jusqu’alors pas ressenti. Bon dieu qu’il haïssait les mutants.

Le coup n’est pas inattendu, pas pour autant qu’il est apprécié, Stan arrive encore à retenir un gémissement, mais il gronde. Ces côtes n’étaient pas totalement remises des dernières fois, il est persuadé que certaines sont fêlés, d’autre cassés. Zone un peu trop accessible pour les bottes coqués des gardiens. Son pouvoir s’avérait utile dans ce genre de cas, le gel s’agglutinant presque automatiquement sur la zone. Rendant la douleur un peu plus supportable.

« How are we today, Mr Gniewko? Still not dead? »  Still not dead yeah. Il a survécu à tellement depuis tant d’année, un mois ici ce n’était pas grand-chose. Enfin, c’est ce qu’il se dit, tous les soirs, ou tous les matins, il ne sait pas, n’a plus la notion du temps. Tout ce qu’il sait ... c’est qu’il tient bon. Pas de grimace, pas de changement dans son attitude quand Larry agrippe ses cheveux, même son regard, pas une once de défiance, ni de soumission, ni de peur. Rien dans ces yeux, que du vide. La sensation de l’encre sur sa peau lui fait serrer les dents, gripper sa mâchoire, il détestait les mutants au service de ses chiens de l’UAM. Comme pour son pouvoir, les sensations n’étaient pas connues, pas normal, par conséquent un peu plus stressante. Il aurait préféré qu’il le tabasse, à la bonne vieille école.  « Still not willing to be a good boy and talk? » Pas un mot, le silence répond à Larry, lui a toujours répondu. Il ne parle pas Stan, au point qu’on pense presque qu’il est muet. Peut être qu’il regrettera le geste qui suit, Larry aurait probablement préféré que son crâne rencontre le sol mais le russe résiste. Tend juste assez son corps pour que la projection de l’agent ne soit pas assez puissante. Pour que la sensation soit juste un peu désagréable à défaut d’être douloureuse.  Il regrette presque immédiatement ce réflexe, un coup bien placé au sol et il aurait pu être mis KO. Coupant court au jeu sordide de son ancien collègue.

Stanislas évite de relever le regard vers lui, il a vite appris que tout était prétexte à des attaques plus ou moins violente, son silence était déjà assez agaçant pour les agents et s’il savait que certains pouvaient hésiter face à ses yeux pâles, ce n’était pas le cas de Larry. Larry … il prenait beaucoup trop son pied là-dedans pour être perturbé par si peu.

Presque un soupir blasé sur ses lèvres quand il avait vu le prisonnier ne pas heurter le sol comme il l'avait voulu, et son regard qui était passé sur les murs vides puis sur la porte, toujours sagement fermée, avant de revenir à l'homme. Au moins le temps qu'il avait passé dans la prison lui avait appris quelques bonnes manières vu comment il gardait les yeux au sol, mais pas encore assez pour qu'il réponde aux questions sans faire de problème, s'obstinant dans un silence qui ne lui servait à rien. Ça au moins lui l'avait compris tout de suite, ça ne servait juste à rien de se taire, les réponses faisaient toujours surface à un moment ou à un autre, d'une manière ou d'une autre. Sometimes I tend to forget how unfun you are. Ça et d'autres choses, mais il se souvenait encore assez de qui avait été Stanislas avant. Avant. Quand sa vie était encore relativement normale, quand il avait encore sa famille. Et presque sans y penser son bras s'était tendu, non pas pour se saisir une nouvelle fois des cheveux de l'autre mais pour lancer l'une des tentacules de la pieuvre à l'assaut de sa gorge, l'envoyant ramper vers l'encre qu'il avait laissé dans sa nuque pour s'y accrocher et tirer d'un coup, l'envoyant heurter le béton dans un bruit mat avant de récupérer son fouet.

Les fourmillements entre douleur et plaisir dans son bras, là où sa propre encre était partie pour rejoindre l'extérieur, alors qu'il passait le bout ferré de sa chaussure contre la joue tuméfiée du russe, pleinement conscient de la facilité avec laquelle il pourrait le tuer là tout de suite. Juste lever le pied et l'abattre sur son crâne au sol, ça ferait un joli son et ça permettrait de débarrasser la ville d'un autre mutant. Mais il n'avait pas le droit, Nancy avait été très claire là-dessus, et il s'était contenté d'appuyer un peu plus, juste sous l'une de ses pomettes plus saillantes depuis qu'il était arrivé dans la prison. It'd be so much easier if you'd talk... Un pas en arrière alors qu'il penchait la tête sur le côté pour faire craquer son cou, et pareil de l'autre côté, alors que le fouet d'encre regagnait sa place autour de son poignet. Qu'il sentait un frisson remonter sa colonne vertébrale alors qu'il en appelait un peu plus, celle sur son torse, juste au cas où.

Pliant les genoux, il s'était accroupi à côté de l'homme, saisissant son visage dans une main pour le forcer à le regarder, ses doigts enfoncés dans sa peau, et les fourmillements lui signalant la présence d'une encre qui n'était pas encore sienne quelque part sur la peau de l'autre. Il le savait déjà, aucun intérêt de tout lui prendre d'un coup, et il s'était mis à sourire, découvrant ses gencives teintées de noir alors que ses doigts se mettaient à brûler. I don't care about what Nancy asks you, I just want names... Mutants' names... You're bound to know at least one, just tell who and I'll let you go back to your cell. Peut-être. S'il ne faisait pas trop de difficultés. Quelques secondes à le tenir, avant de le lâcher d'un coup, frottant ses doigts pour faire disparaitre la sensation en se relevant. I may even call someone to look at your arm, it must hurt like a bitch. À son état général en fait, même si lui-même trouvait la palette de noirs et bleus particulièrement seyante, peut-être pour ça aussi qu'il en rajoutait une couche dès qu'il le pouvait.

“Sometimes I tend to forget how unfun you are. “ Fun. As if, anything here could be fun.  Il l’entend avant de le sentir, le bruit, visqueux, de l’encre qui se forme en une tentacule, l’odeur caractéristique des pigments qui le prennent au nez et la sensation terrible d’avoir un crochet derrière la nuque. Une base où le fou peut s’accrocher, d’où il peut accomplir ce qu’il souhaitait. Même ses réflexes ne sont pas assez rapides, ou ne le sont plus, pour éviter à son crâne d’atteindre le sol.

Bruit sourd, pièce qui devient soudainement beaucoup trop éclairé, nausée, Stanislas crache une insulte entre ses dents serrées, il peut sentir à la différence de température que le choc lui a ouvert le front. Douloureux rappel qu’il était comme les autres. Lui aussi, il saigne.

La chaussure de l’autre contre sa joue enflamme ses entrailles. Il peut sentir la tempête hurler qu’il devrait la laisser lui régler son compte. Le détruire comme il a détruit Jethro. Le faire saigner lui aussi. S’il n’avait pas promis à Rahim de rester en vie, sans doute l’aurait-il fait. Sans doute aurait-il laisser sa rage puérile prendre l’ascendant. Qu’aurait-il eu à perdre?  “It'd be so much easier if you'd talk... “  Se raidir quand les doigts de l’homme viennent capturer son visage, soutenir son regard, garder les lèvres scellés face à l’abomination face à lui. Lawrence était un monstre. Il n’en avait plus aucun doute. Tout de ses gencives, à son regard brillant, donnait l’impression qu’il était possédé. Pauvre gamin.  

“I don't care about what Nancy asks you, I just want names... Mutants' names...” Ah. Les fameux. Les noms, des autres, des futures proies, des futures jouets.   ”You're bound to know at least one, just tell who and I'll let you go back to your cell.”  Yeah, bien sûr qu’il en connait, mais il se tuerait lui-même si une seule syllabe franchissait la barrière de ses lèvres. Main qui le lâche, crane qui rencontre une nouvelle fois le sol. Il est épuisé. “ I may even call someone to look at your arm, it must hurt like a bitch.”

Son regard se perd un instant contre le béton qui lui sert d’oreiller. Les différentes tâches plus ou moins apparentes. Signe certain qu’il n’est pas le seul à avoir laissé de son hémoglobine. Il se demande si les autres avaient parlé. Si… Sous la douleur et la pression, ils avaient hurlé à s’en déchiré les poumons le nom de ceux qu’ils condamnaient à un enfer qu’ils ne connaissaient que trop bien. La culpabilité qui s’en suit, tellement plus lourde que les coups.
Il ne peut imaginer vivre avec ce poids. Se refuse de même juste penser au visage et au nom de ceux dont il connait le penchant non humain. Forçant son esprit à se concentrer sur les autres, les inconnus, ceux qui ont perdus face à l’U-AM.

Lawrence avait perdu face à l’U-AM.

Bien qu’il ne le connaissait qu’au travers de dossiers et bruit de couloir, le gamin ne lui avait jamais donné l’impression d’être un sadique. C’est à peine s’il l’avait reconnu lors de leur première entrevue.
Les yeux du russe se ferment un court instant. Son corps entier est un brasier que la glace peine à calmer. Elle était moins agressive, plus douce, se glissant contre sa peau pour calmer ses maux. L’enveloppant d’un givre qu’il imagine protecteur. Il voudrait se redresser, relever son corps un peu trop cassé, ne pas garder sa foutue gueule au sol pour montrer à Lawrence qu’il en faudrait encore un peu plus pour le briser. Sa fierté et son ego ne rêve que de cela.
Son corps, non.
Son corps, endolori, ne veut plus se battre contre les chaines, ne veut plus résister aux coups, ne veut plus donner aux agents la chance de le projeter contre le sol.  En restant comme ça, le torse plié, front contre le sol, il éliminait le risque de double peine. Enfin c’est ce qu’il croit. Ce qu’il imagine.
Il a trop souvent été à la place de Lawrence. Avoir son adversaire au sol. Incapable de se relever. A la limite de la prière pour qu’il arrête. Parfois c’était sa rage qui l’invitait à continuer, souvent c’était juste du business, jamais rien de personnel.

Avec Lawrence aussi ce n’est probablement pas personnel. Un mutant en est un autre. Il l’a vite compris. Coquille vide partiellement enragé au service du gouvernement. Les pires de tous.

Il en est bien conscient.

Toujours aucune réaction, aucun son, mais il s'en était douté. Quelques semaines déjà que c'était plus ou moins le même résultat, impossible de sortir une information. La volonté de l'homme n'avait pas encore été brisée, il se montrait plus résistant que la plupart, mais ça ne durerait pas éternellement, et en attendant il se faisait un plaisir de saper un peu plus son moral, d'aggraver un peu plus son état physique. Parce qu'il finirait par céder. Appuyant son dos contre le mur le plus proche, il réfléchissant à la suite, le silence tombant dans la petite pièce, à peine troublé par leurs respirations respectives, la buée qui s'élevait en nuages à cause du froid commençant à prendre ses droits. Fine... Let's play. Rapidement il s'était débarrassé du haut de son uniforme, le balançant contre la porte sans un regard avant de revenir près du mutant. Derrière lui, sa dextre à nouveau dans ses cheveux pour le relever sans ménagement et le remettre sur ses genoux. Revenant devant le russe, il avait sorti le couteau de l'étui pendant à sa ceinture, faisant un instant briller la lame sous la lumière des néons avant de la poser sur le côté de la gorge de sa victime du jour. Oh il n'était pas stupide, il se doutait qu'il fallait bien plus que ça pour commencer à faire trembler son ancien supérieur, mais ça n'était pas le but.

Et lentement la lame avait glissé sur la glace qui recouvrait la peau, vers l'avant, traçant le chemin d'une des veines de son cou avant de passer sous le col et trancher le tissu. Un peu de peau aussi, une longue traînée rouge apparaissant au milieu du torse. La pointe du couteau qu'il avait appuyé sur le pectoral, là où aurait du se trouver le centre du demi-cercle de rayons encré à cet endroit. This one is nice. Aucune idée de ce que ça pouvait bien représenter, mais ça ne l'empêcherait pas de récupérer les pigments. Une nouvelle fine ligne sanglante remontant jusqu'à l'épaule avant de trancher le tissu encore présent dans le dos, et dévoiler la peau nue, blanche, et l'encre noire qui s'y étalait. But that one... Quelque chose dans le style du dessin, pas totalement étranger, qui l'attirait bien plus que les bêtes traits, et le sourire qui avait tendu ses lèvres. Yeah, it'll make a fine addition to my collection. Au même endroit, il avait largement assez de place, alors qu'il s’intéressait d'un peu plus près aux détails du dessin, pour mieux les graver dans son esprit.

Retour du couteau dans son étui et de l'encre au bout de ses doigts, cinq extensions les rallongeant mollement alors qu'il posait un genou au sol pour être à la même hauteur que l'autre. Environ, même comme ça il le dépassait toujours largement. Cinq pointes fluides qui s'étaient étendues jusqu'à la peau, le bout se posant là où d'autres traits d'encre les appelaient, alors qu'il les façonnait en même temps que le pouvoir de l'autre les durcissait, pendant que les pigments sous sa peau s'agitaient un peu plus. Encore un moment à juste observer, enregistrer, avant de finalement plonger les cinq pointes acérées dans la chair tatouée et d'appeler l'encre à lui. La regarder remonter sur sa main, affleurant sous la peau, avant de saisir la gorge de l'homme de sa main gauche gantée, autant pour l'empêcher de s'échapper que pour s'assurer qu'il avait bien son attention. Come on Stanislas, give me a name. Any name. The first that's popping into your head right now. Le froid de l'autre qu'il pouvait sentir sur son propre torse, contre la chaleur qu'il sentait, qu'il voyait, remonter, le chemin de douleur électrisante qu'elle traçait le long de son bras. Just one name, and I'll let you keep that one.