died in the mill pond (stanislas)

@Stanislas Gniewko

Y'a son corps, soutenu à bout de bras, que l'on ramène dans les couloirs. Tu le vois passer sans mot dire, peut-être que si tu prêtes l'oreille, tu entendras son souffle sifflant et sa respiration douloureuse. Peut-être que si tu ouvres les yeux et que tu observes, tu verras que ses geôliers maintiennent fermement ses bras, mais que cela est bien inutile, car il semble sur le point de s'écrouler, plus que de se défendre. Il tangue, l'homme au visage d'ange, il vacille alors qu'on le fait avancer dans le couloir. Interrupteur qui claque, lumière qui dégueule, blafarde, aussi pâle que son teint, un blanc laiteux laissant apparaitre quelques vaisseaux sanguins à son cou. On lui a balancé de l'eau glacé sur la gueule pour le maintenir éveillé. On devine les gouttes qui ruissellent le long de ses mèches trop longues, le long de ses cils, le long de sa joue ((ou sont-ce des larmes ? Au fond, quelle importance)) On lui laisse ses menottes, lorsqu'on le pousse dans une cellule. Au hasard. Pas la sienne, non.

Parce que Lennox est trop drogué pour se défendre.
Et parce que sa simple présence rend les autres inoffensif.

Ce qui est amusant, c'est qu'il porte encore l'uniforme de l'UAM, les seuls vêtements qu'il lui reste, ceux qu'on lui fournit généreusement, soigneusement stockés dans son casier. Voilà des semaines qu'il n'est plus retourné à son appartement, des jours qu'il n'a pas vu la lumière du soleil, des heures, que son esprit est à des kilomètres de son corps. Il est fatigué. Tu peux le deviner aux cernes qui bouffent son visage, tu peux aussi le savoir en regardant ses bras, couverts d'hématomes là où on a piqué, piqué et piqué encore pour lui prélever un peu de sang. Alors, quand on le pousse derrière de maigres barreaux et avant même que la porte se soit tout à fait refermée dans son dos, le gamin s'écroule. À genoux sur le sol, lourdement. Autour de lui, dans la cellule adjacente, un autre détenu. Et c'est déjà un de trop.

Non, non, non
Litanie murmurée encore et encore.

Le garçon a plaqué les mains sur ses oreilles, pourtant le lieu est parfaitement silencieux. Sa capacité s'accentue à proximité de l'autre, il le sent dans ses veines. Ça gronde, ça l'étouffe, ça le prend aux tripes et ça refuse de s'atténuer. Comme un clébard enragé, son pouvoir prend progressivement le contrôle, résonne contre sa boîte crânienne, tandis que le don de l'autre disparaît purement et simplement. Un haut-le-cœur. Une main qui se plaque contre ses lèvres, la seconde qui s'appuie, s'accroche, désespérément au sol glacial, pour ne pas sombrer. Lentement, le bijoutier s'éloigne, à l'extrême opposé de la cellule où se trouve le mutant, s'adosse contre le mur et reste immobile. Il lui faut se concentrer, pour reprendre ses esprits, lutter contre la migraine et les voix qui le harcèlent. Les secondes deviennent des minutes avant qu'il ne parvienne à respirer à nouveau normalement. Ses pensées, chaotiques, sont incohérentes, alors, Lennox commence à fredonner. Mélodie à peine audible qui meurt entre ses lèvres closes. Ses paupières résolument fermées.