Keira Logan.

Keira,
Lily m'a dit que tu n'allais pas très bien, ces derniers temps. Je suis désolé pour Bruce, j'espère que tout ça s'arrangera vite pour toi. Je t'écris juste ce petit mot pour te dire que tout va bien et que je pense à toi et à ton frère. Si tu veux qu'on se voit, un de ces jours, tu peux m'écrire ou téléphoner, je te mets au dos le numéro sur lequel tu peux me joindre, au cas où.
J'aimerais bien retourner à la bibliothèque avec toi un jour, tu me manques. Tu lis quoi, en ce moment ? J'ai essayé de lire des trucs scientifiques ces derniers temps, et sinon j'ai recommencé George Orwell. C'est plutôt d'actualité, tu ne trouves pas ?
Seth

Keira,

J'ai cherché Beans pendant 1h hier avant de le retrouver enfermé dans ton bureau. Pourrais-tu s'il te plait faire attention la prochaine fois ? Je sais qu'il est très collant et adorable, mais il est aussi un peu idiot parfois et n'a même pas eu le réflexe de miauler pour sortir.
Bon courage pour tes consultations aujourd'hui, j'ai vu une femme très étrange dans la salle d'attente, j'imagine qu'elle est là pour toi.

Cordialement,
Nils

Chère Keira,
Je suis heureuse d'avoir de vos nouvelles, je m'inquiétais de ne plus vous voir venir. Nous avons commencé la lecture d'un autre livre, je vous donnerais votre exemplaire la prochaine fois. Pas de soucis pour changer de groupe, je serais même ravie de vous faire rencontrer une jeune femme qui partage vos convictions, je suis sûre que vous vous entendriez à merveille. En espérant vous revoir très bientôt, je vous joins un poème de François Coppée, dont je suis sûre vous apprécierez l'ébauche.

Bon rétablissement,
à très bientôt Jessie

L'espoir divin qu'à deux on parvient à former
Et qu'à deux on partage,
L'espoir d'aimer longtemps, d'aimer toujours, d'aimer
Chaque jour davantage ;

Le désir éternel, chimérique et touchant,
Que les amants soupirent,
A l'instant adorable où, tout en se cherchant,
Leurs lèvres se respirent ;

Ce désir décevant, ce cher espoir trompeur,
Jamais nous n'en parlâmes ;
Et je souffre de voir que nous en ayons peur,
Bien qu'il soit dans nos âmes.

Lorsque je te murmure, amant interrogé,
Une douce réponse,
C'est le mot : – Pour toujours ! – sur les lèvres que j'ai,
Sans que je le prononce ;

Et bien qu'un cher écho le dise dans ton cœur,
Ton silence est le même,
Alors que sur ton sein, me mourant de langueur,
Je jure que je t'aime.

Qu'importe le passé ? Qu'importe l'avenir ?
La chose la meilleure,
C'est croire que jamais elle ne doit finir,
L'illusion d'une heure.

Et quand je te dirai : – Pour toujours ! – ne fais rien
Qui dissipe ce songe,
Et que plus tendrement ton baiser sur le mien
S'appuie et se prolonge !

6 juillet 1983

Keira,

J’ai appris que tu avais essayé d’arrêter un couteau avec ta cuisse. Au-delà du fait que ce n’est pas très malin, cela doit être douloureux. J’ai voulu te rendre visite à l’hôpital mais tu dormais. Je n’ai pas osé te réveiller. Après ce qui s’est passé, j’imagines que tu devais avoir besoin de repos. J’espère que tu aimes les fruits. J’ai demandé à ce qu’on t’en livre une corbeille car ce n’est pas ici que tu vas te remplumer. Une dame qui a eu la mâchoire brisée dans la chambre d’à côté m’a dit qu’elle avait perdu huit kilos en deux semaines.

Je voulais juste te dire de faire attention à toi. Essaie de rester à l’écart des ennuis, s’il te plaît. Les corbeilles de fruits, tu sais, ce n’est pas donné. Quand nous étions plus jeunes, c’était toujours toi qui me tirait d’affaire alors j’ai pensé que

Bon rétablissement,
Lily