[HALLOWEEN] le bon, la brute et le zombie (keira)

Dans les rues de Minneapolis, l’arrivée de l’automne était accompagné d’une étrange atmosphère lugubre. Les nuits se faisaient plus longues, plus sombres, comme si l’obscurité formait une solide couche autour des ombres qui arpentaient les allées, une pression insupportable qui étouffait les silhouettes. Dans le mouvement incertain de la foule, tu as cru reconnaître un visage, des yeux clairs qui t’ont renvoyé des années en arrière, avant qu’il ne disparaisse entre les corps agglutinés. Après ça, tu n’as pas cessé d’y penser. Jour et nuit, l’action se repassait en boucle dans ta tête, cette simple œillade qui n’a duré qu’un dixième de seconde. Tes doigts ont pianoté entre les feuilles, les dossiers, les notes archivées, jusqu’à ce que tu trouves enfin la solution. ((Un numéro de téléphone.))

((Allo ? Vous êtes bien Luke Douglas ?))

Sa voix était familière, comme si tu l’avais entendu dans tes rêves. ((Ou tes cauchemars.)). Mais tu n’arrivais pas à l’associer à un visage, ce n’était qu’un amas de couleurs, flou et incertain. Tu t’es dit que peut être, il avait sa voix, quelque part. Peut être qu’inconsciemment, tu les associais, tu voulais entendre les mêmes sonorités, celles qui faisaient encore défaut à ta mémoire troublée. Car lui, comme toutes ces âmes que tu as vu se faner entre les quatre murs gris de l’établissement, tu voulais le retrouver.

((Je crois avoir vu Tommy.))

Tu t’es encore raidie devant le miroir en passant devant. Tes doigts suivent les ondulations de tes mèches courtes, plaquées contre ton crâne, leur couleur platine nouvelle et surprenante, elles arrivent encore à capturer ton regard, si bien que tu as du mal à te reconnaître. Le premier coup de ciseau avait été une envie de changement. Mais la décoloration n’était qu’une envie de folie. Comme si devenir blonde était la chose la plus dingue de ta vie. ((Ta nouvelle vie.)). Cela n’empêche pas le passé de camper à ta porte.

((Peut-on se rencontrer pour en parler ?))

La clochette de l’entrée du café a couvert le bruit de tes modestes talons contre le sol. L’endroit semblait désert, tu t’es avancée en laissant ton regard s’aventurer d’abord sur les banquettes vides. Quelques uns de tes pas résonnent, tu captes enfin une silhouette masculine, ton sourire timide commence à se dessiner. ((Puis plus rien.)) L’image de son visage paralysent tous tes muscles, ton rictus n’est plus qu’une poussière de moue, tes mains se sont gelées de peur sous le cuir de tes gants.

Il se lève, tu as un bref mouvement de recul avant de t’avancer à ton tour, une boule d’angoisse qui grossit au fond de ta gorge. « Bonjour … ». La tonalité rauque t’arrache un frisson, sa main s’approche dans ta direction, tu la fixes quelques secondes, comme si elle sentait encore le sang et la poudre à canon. La tienne finit par la rejoindre, incertaine, des flashs du 4 juillets bourdonnent entre tes oreilles mais tu gardes un visage lisse. « Bonjour, Monsieur Douglas. J’espère ne pas vous avoir fait trop attendre. ». Ta voix est douce, pas une note de travers. Tu parais fragile mais ton sang est aussi froid que ton coeur est chaud. « On s’installe, si vous le voulez bien ? ». Pourtant, à peine arrivée, tu as déjà envie de partir.