my life is one big "wow ok" (ft. rahim)

Le coffee-shop où bossait Charlie était pas très loin, ça aurait dû être un trajet normal, un qu'il avait fait des dizaines de fois, presque sans même s'en rendre compte des fois. Sauf que non, la normalité n'existait plus vraiment depuis que les météorites s'étaient écrasées. Maintenant même un trajet qu'il connaissait par cœur pouvait s'avérer dangereux, et en plus il avait du faire un détour avant de vraiment prendre le chemin pour rejoindre son compatriote. Et c'était pendant le détour que c'était arrivé. Une connerie vraiment, une simple petite pensée, rien de rien: est-ce qu'il avait pensé à éteindre la plaque avant de partir? Non mais oui évidemment, il n'était pas stupide ou inconscient. Oui mais... Son attention laissait à désirer ces derniers temps, ça allait avec l'épuisement physique et mental. Tourné au coin de la rue, et ses sourcils froncés alors qu'il essayait de se rappeler ce qu'il avait fait avant de fermer la porte derrière lui. Et s'il avait vraiment laissé la plaque allumée? Et si ça déclenchait un incendie? Le bonhomme qui passait au vert de l'autre côté de la rue, et son corps qui refusait d'avancer, de bouger même. S'il y avait le feu, tout brûlerait. Ses dessins, ses toiles, ses bouquins, ses comics, ses carnets, ses croquis, ses disques. Les dossiers cachés à différents endroits de l'appartement. Tout. Le bonhomme qui était repassé au rouge, le bruit des voitures qui accéléraient et...

Et le bruit de son propre corps qui s'écroulait, beaucoup trop familier, fort heureusement du côté du trottoir, alors que des voix affolées commençaient à s'élever autour de son lui physique. Un mime de soupir et il avait rapidement vérifié qu'il ne s'était pas trop abîmé - apparemment non, mais il allait avoir une bosse - avant de s'élever dans le ciel pour rejoindre presque aussitôt son appartement. Au point où il en était, autant aller vérifier, il était encore assez près. La plaque était bien éteinte, le four aussi, le frigo et les fenêtres fermés, tout allait parfaitement bien et maintenant qu'il y pensait, il avait pas cuisiné depuis quelques jours. Un autre pseudo-soupir et il avait traversé le mur le plus proche pour retourner dans son corps. Pile au moment où quelqu'un se penchait pour lui faire du bouche-à-bouche, leurs crânes s'entrechoquant avant que l'homme - oui au grognement qui transperçait ses tympans c'était un homme - ne recule tandis que lui-même se tenait la tête en geignant. La douleur dans tout son corps, le mal de crâne vraiment pas aidé par son retour, le bruit, et ces foutues lunettes qui n'étaient vraiment pas aussi efficaces que ses regrettées Wayfarer pour bloquer la lumière. Puis il avait fallu s'excuser, invoquer une narcolepsie et des médicaments oubliés, s'excuser encore du dérangement, et attendre que la petite foule se disperse pour enfin pouvoir prendre un cachet. Et sortir une clope au passage, se relevant avec l'aide du poteau le plus proche avant de l'allumer et enfin traverser.

Dans la file d'attente, il avait passé distraitement une main sur sa nuque puis son crâne, frôlant la belle bosse avant de lâcher un soupir bien réel. Une certaine paire de mains gelées auraient pas été de trop, mais il n'allait pas se mettre à l'appeler au moindre bobo, clairement des trucs plus importants à faire. Au moins il ne s'était pas ouvert, c'était déjà ça. Passé commande, et tâté l'autre bosse sur son front, avant de voir l'heure à son poignet. Déjà? Oh merde! À peine le temps d'être poli avec la caissière quand elle lui avait donné les sacs et il s'était presque mis à courir pour rejoindre le coffee-shop, maudissant au passage la clope, l'alcool, le manque d'exercice, les projections et plus ou moins tout ce qui lui passait à l'esprit, et finalement s'arrêter à bout de souffle juste devant l'anglais tranquillement en train de fumer sa cigarette. T'es encore là, j'ai cru que j'allais te louper! Le cœur qui battait la chamade et la respiration erratique, au moins la raison changeait un peu. Putain j'vais tomber dans les pommes... Vu son état, ça ne serait pas vraiment étonnant, et il s'était penché, les mains sur les genoux, pour essayer de se calmer un peu. Et remettre ces foutues lunettes qui n'arrêtaient pas de glisser. Pardon, je recommence... Deux grandes inspirations et il s'était redressé, souriant à l'homme en face de lui comme si de rien était. Hey mate! Désolé de pas avoir trop été dispo ces derniers temps, et merci pour tes sandwiches. Et jme suis dit que t'aurais faim après ta journée du coup... Et il lui avait tendu le plus léger des deux sacs de fast-food, le menu que Charlie prenant habituellement, avant de caler un peu mieux l'autre sur son bras, contenant sa propre commande en triple. Et deux portions de frites pour faire bonne mesure. Tu bosses cette nuit?

La petite clope d’après le taf, d’avant de raccrocher le tablier et de se rentrer dans ses pénates, l’un de mes rares plaisirs ces jours derniers. Je savoure la fumée acre qui laisse un goût un peu amer, grave, sur mes lèvres, les yeux fermés, la tête posée contre le mur probablement assez crade du coffee shop, et je m’octroie quelques minutes de calme. Calme qui est assez rapidement interrompu par une respiration saccadée un peu trop près de moi pour que ce soit seulement un passant, et une voix familière qui résonne dans mes oreilles. J’ouvre les yeux, reconnaissant facilement les traits du visage qui se trouve en face de moi, et je fronce les sourcils. Ça fait combien de temps que je l’ai pas vu ? Deux mois, facile ? J’ai bien essayé au début, d’aller chez lui, de lui apporter des sandwiches, j’ai attendu que ses voisins ouvrent la porte pour me faufiler dans l’immeuble, combien de fois j’ai frappé à sa porte pour finalement n’obtenir aucune réponse ? Du coup je dois avoir l’air con avec mon air ahuri, mais c’est vraiment la dernière personne que je m’attendais à voir. « Hey… » j’arrive quand même à balbutier sans grande conviction, sûrement parce que je suis vraiment putain de confus. Il lui est arrivé quoi ? Il est passé où ? J’avoue que je me suis demandé si j’avais pas fait une connerie ou mis en colère d’une manière ou d’une autre pour qu’il me fuie comme la peste comme ça, et j’ai juste fini par accepter que j’aurais jamais de réponse, mais… Je reste planté là, le bout des fesses posé sur le rebord légèrement saillant du mur, la clope coincée entre deux doigts. Je lève un sourcil lorsqu’il s’exclame, sans vraiment comprendre. Sincèrement, dans ma tête c’est électro encéphalogramme plat là tout de suite. Genre, comme la neige sur un écran télé, et je reste un peu interdit, les lèvres serrées l’une contre l’autre. Pas en colère, pas quoi que ce soit en fait, juste confus.

Je lui rends un vague sourire, plutôt un rictus assez mal à l’aise en fait,  mais c’est le mieux que je puisse sortir là. « Hey, » je répète comme un disque rayé, écoutant ce qu’il me dit sans que ça explique rien du tout. Je fronce encore un peu plus mes sourcils, et je dois vraiment avoir l’air débile là avec ma clope qui se consume toute seule entre mes doigts. Je ne réponds pas vraiment lorsqu’il présente les sacs de nourriture, bien que ça me paraisse plutôt alléchant en effet, et j’essaie surtout de décider d’une marche à suivre. L’interroger ? Ou juste me réjouir que le premier pote que je me suis fait en arrivant ici ait finalement décidé de revenir vers moi même si c’est après des mois de silence ?

Faut dire, j’suis pas hyper doué pour communiquer, questionner, expliquer, partager ses ressentis et ses émotions, alors… alors je choisis la deuxième option. « hm-hm, » que j’réponds en secouant doucement la tête de droite à gauche. « avec le couvre feu ils m’ont réduit mes heures. » En soit c’est pas si grave, mais bon, ça me laisse plus de temps pour être tout seul à rien foutre et on va pas se mentir c’est la grosse déprime. Je finis ma clope, de toute façon il ne reste que deux bouffées, et je me redresse en l’écrasant sous la semelle de ma chaussure. « Tu m’laisses deux secondes pour m’changer ? Et j’te rejoins ? J’te laisse la bouffe si ça t’ennuie pas ? » Je rentre dans le coffee shop et je me change vite fait, passant de mon tshirt à manches longues histoire de cacher le mélange d’encres qui recouvre ma peau à un autre un peu plus léger, avec un blouson en jean recouvert de badges et de pins, tout en me disant qu’après tout, dans tous les cas, je suis content de le retrouver… Même si j’avoue, j’aimerais bien savoir quelle mouche l’a piqué. Mais bon, au pire ça presse pas. Je ressors, allumant une autre clope à peine dehors, et tend la main pour qu’il me file mon sac, m’autorisant un fin sourire, la clope coincée entre les lippes. « On va s’poser quelqu’part ? »

Il n'avait même pas pensé à retenir le "Ah merde!" entre deux inspirations profondes quand Charlie lui avait appris que ses heures avaient été réduites, se doutant que les nuits de l'anglais devaient être bien moins occupées, et qu'il avait probablement eu envie de compagnie pendant certaines de ces dernières. Compagnie qu'il n'avait pas pu obtenir auprès de lui, bien trop occupé à essayer de gérer - à défaut de maîtriser ou même comprendre - le pouvoir qui lui était tombé dessus avec les météorites. À douter de tout et tous, pour de bonnes raisons, mais l'isolement n'aidait pas non plus, il avait fini par le comprendre. Garder son contact avec la réalité, ses liens avec, était tout aussi important. Pour se rappeler qui il était toujours, malgré tout. Et il avait acquiescé quand Charlie lui avait dit qu'il revenait, posant les sacs à ses pieds pendant que l'anglais allait se débarrasser de ses vêtements de travail. Content qu'il ne le jette pas alors qu'il aurait eu toutes les raisons de le faire, et de lui en mettre plein la tronche au passage pour son comportement, sachant qu'il allait devoir un minimum d'explications alors qu'il remettait encore ses lunettes en place sur son nez.

Le regard qu'il avait posé sur son reflet dans la vitrine, ses traits tirés par la fatigue et creusés par l'épuisement du manque de sommeil et des projections, les cernes qu'il voyait dépasser, juste un peu mais beaucoup trop, sous le bas des lunettes de soleil, le tee-shirt collé à son torse amaigri qu'il avait remis en place avant de passer une main dans ses cheveux. Deux mois, et il commençait à peine à reprendre le dessus, plus ou moins. À s'habituer à ce qu'était la réalité maintenant en tout cas. Un soupir, une main dans sa barbe qu'il essayait de garder un minimum entretenue, et il s'était agenouillé pour piocher dans ses frites, la faim commençant à se faire de plus en plus impérieuse. Vraiment pas le moment de tomber dans les pommes à cause de ça, surtout que le trottoir avait l'air encore moins agréable que son parquet ou les coussins qui le couvraient presque entièrement et que ça lui vaudrait à tous les coups une nouvelle plaie. Et il en avait bien assez comme ça. Machinalement porté la main là où il s'était amoché une semaine auparavant, puis à la bosse gagnée aujourd'hui, et une nouvelle poignée de frites pour calmer le grondement qui s'élevait de son estomac. Ça aussi c'était pesant des fois...

Au retour de Charlie il était à nouveau debout, lui tendant son sac avant de l'imiter en sortant une cigarette et en l'allumant, en profitant pour vérifier l'état général de son ami, à la recherche d'il ne savait quoi. Ce petit quelque chose qui lui dirait si l'anglais avait été lui-aussi affecté par les météorites, sans être capable de le définir exactement. Mais rien qui ne lui sautait aux yeux, et il avait laissé échapper un nuage de fumée avant de répondre. Ouais, manger debout c'est pas trop mon truc. Le parc au bord du fleuve? Doit bien avoir un banc à squatter, et j'ai des bières dans mon sac en plus. Qu'il faudrait sûrement laisser reposer un peu vu les secousses du trajet. Et il commençait à vraiment développer un truc avec les parcs de la ville, alors qu'il ne s'y était jamais intéressé plus que ça avant que le ciel ne s'effondre. Vraiment désolé de pas avoir été dispo ces derniers temps... Une nouvelle bouffée de nicotine, cherchant ses mots alors qu'il lui emboîtait le pas, les yeux sur le sol devant lui. Quelle excuse rachèterait le silence? Est-ce qu'il avait même envie de sortir une nouvelle excuse bidon? Et encore merci pour les sandwiches... et désolé aussi de pas avoir ouvert la porte, c'était... compliqué. Euphémismes, le retour. Mais la vérité n'était pas simple, et beaucoup plus angoissante qu'il ne pouvait gérer pour le moment. Comment tu vas depuis... mai? Ouais, bonne idée de rappeler depuis combien de temps il était le pire des potes...

Je hoche la tête lorsqu’il propose d’aller au parc pas super loin d’ici pour se poser et un sourire de traviole éclaire mon visage lorsqu’il mentionne la bière. Il sait me parler. « Go on then, » que j’dis en attrapant le sac qu’il me tendait lus tôt avant de me mettre en route d’un pas ni vraiment rapide ni vraiment lent.

Je dis rien de plus et c’est lui qui relance le dialogue. J’sais pas trop quoi penser. En même temps j’ai envie d’croire qu’il est sincère dans ses excuses, qu’il a réellement eu de bonnes raisons de disparaître comme un putain de fantôme, mais d’un autre côté… J’aimerais bien savoir ce qui l’a poussé à faire ça. Mais en même temps, j’me sais pertinemment incapable d’imposer une discussion sérieuse où je l’obligerais à me rendre des comptes, alors… Alors je me contente de hausser les épaules. « Pas de souci… » que je dis comme ça alors que si, si, y’a un souci. J’ai passé les derniers mois dans une solitude rarement égalée dans ma vie. Entre Hannah, mes potes que j’ai laissé à Londres, mon obligation morale hyper difficile à tenir de gentiment repousser Nicole qui se jette littéralement dans mes bras… On va dire que socialement ça a loin d’être la joie récemment. Et puis, je suis pas le genre à aller vers les autres, alors v’là pour se faire de nouveaux amis… « Pas d'souci. » Je me répète. J’réalise que j’ai tendance à faire ça quand je sais pas quoi dire. On avance à une allure respectable sans que ce soit vraiment rapide non plus, et je reconnais les lieux, on est pas super loin du parc. « J’suppose que ça a été compliqué pour tout le monde, après cette histoire de… » J’étouffe une sorte de rire, je crois ? « cette histoire de météorites, quoi. » Je me tais l’espace d’un instant.

Il me questionne alors qu’on tourne dans une rue sur la droite pour se rapprocher des quais, et je réponds, presque du tac au tac. « Ça va. Enfin, à part le fait que j’suis passé à ça d'me prendre une météorite et qu’Hannah m’a largué… » J’avoue, je suis un peu triste, mais malgré tout ça va doucement mieux. « j’aurais dû le voir venir » j’ajoute, philosophe. « Ah, et aussi apparemment y’a… des mutants ou je sais pas quoi ? Enfin des gens qui ont des pouvoirs et tout ? J’suis presque jaloux, j’ai eu la météorite mais pas les pouvoirs… Bon d’un côté ça m’évite d’être poursuivi par les flics pour un truc que je peux pas contrôler, mais… » Je secoue la tête, agacé. « J’sais pas à quoi je m’attendais. Pas à un truc cool, pas de la part d’un gouvernement encore pire que le nôtre, mais… Pas aussi merdique. » Je cache pas mes opinions. Surtout avec quelqu’un comme Rahim, je sais que je peux les énoncer à voix haute sans crainte qu’on me tempère, qu’on m’oblige à nuancer, ou qu’on défende le gouvernement. On est plutôt sur la même longueur d’onde à ce niveau là. Ce n’est qu’une parmi toutes les raisons pour lesquelles je l’apprécie. On arrive au parc et je pousse le portillon pour pouvoir rentrer, le tenant pour qu’il puisse passer à son tour. J’regarde un peu aux alentours histoire d’avoir une vague idée de là où on pourrait s’asseoir, et je finis par montrer un banc qui fait face au fleuve, dans une zone où y’a pas trop de monde, voire pas de monde du tout. « Là ? » que j’demande en pointant mon doigt, avant de me pencher pour écraser ma cigarette et la jeter dans la poubelle la plus proche. Je résiste à la tentation d’allumer une nouvelle clope, et je me laisse tomber sur le banc. Je déballe la bouffe. « C’est encore chaud, on a d’la chance, » que j’dis avec un vague sourire, et puis je mords dans le burger à belles dents. Je finis ma bouchée, et avant d’en prendre une autre, j’me tourne vers lui légèrement, pas totalement, juste les épaules légèrement orientées dans sa direction. « T’veux parler de c’qui s’est passé pour que tu disparaisses des radars comme ça ? ... Ou tu préfères pas ? » Je suppose que j’aimerais bien savoir, mais c’pas mon genre de le forcer, alors… Je propose, il dispose.

Le rythme de ses pas calé sur ceux de son ami, il avait senti sa gorge se serrer petit à petit, malgré la fumée qui s'infiltrait toujours dans ses poumons. Pas de l'anxiété, pas parce que les météorites avaient effectivement compliqué les choses, mais parce qu'il avait effectivement été le pire pote au monde. Parce qu'il n'avait pas été là quand Charlie en avait eu besoin, trop paniqué par ce qu'était devenu le monde pour même ouvrir une porte. Les yeux fixés au sol à ses pieds, pendant que l'anglais continuait et donnait son avis sur ce qui s'était abattu sur la ville. Le rapide sourire qui avait fendu sa bouche alors qu'un nuage de fumée s'en échappait, parce que sa franchise lui avait terriblement manqué, il s'en rendait compte maintenant. Parce que Charlie avait eu la chance de ne pas avoir un pouvoir, malgré la jalousie qu'il évoquait. Parce qu'il avait l'air toujours égal à lui-même au niveau de ses opinions, et c'était rassurant. Jme demande comment notre chère reine gérerait ça tiens... Probablement pas mieux, le passé n'était pas très reluisant de l'autre côté de l'Atlantique.

Un signe de tête pour le remercier du portillon tenu, et acquiescé au choix du banc, la clope entre les lèvres avant qu'elle ne suive celle de l'autre homme à la poubelle. Et enfin s'asseoir et poser les sacs par terre devant lui, son sac bandoulière entre eux qu'il avait ouvert pour en sortir les canettes de bière et en poser une à côté de Charlie qui entamait déjà la bouffe. La gorgée pétillante avec laquelle il avait faillit s'étouffer, parce que le choix des mots était juste parfait. Disparaître des radars... Bah oui c'était exactement ça en fait, du moins pour ce qu'il en savait. Peut-être un jour il testerait vraiment tiens, ça pourrait être intéressant. Reprenant sa respiration avec une dernière toux, il avait sagement reposé la bière avant de sortir un tas de serviettes d'un des sacs en papier, l'une d'elle épongeant la coulée sur son tee-shirt. Le regard qu'il avait jeté alentour en récupérant un hamburger et en en prenant une pleine bouchée, juste pour s'assurer qu'il n'y avait effectivement personne autour. C'est... compliqué? Avec un demi-sourire, une fois qu'il avait fini, avant d'aussitôt retourner à son burger parce qu'il avait vraiment faim. Genre vraiment. Le terminer presque d'une traite, et une gorgée de bière avant de sortir le suivant et le déballer pour lui faire subir le même sort. Il avait pourtant bien mangé ces derniers jours, mais cette partie n'avait pas l'air de s'améliorer.

Au moins ça lui laissait du temps pour réfléchir à ce qu'il allait vraiment répondre. Est-ce qu'il disait la vérité à Charlie ou est-ce qu'il trouvait un nouveau joli mensonge qui expliquerait plus ou moins bien pourquoi il avait été aux abonnés absents. Pourquoi il avait été un fantôme. Marrant, on pourrait croire qu'un mec qui gagne sa vie à dessiner des comics saurait mieux gérer la situation et comment s'en sortir ... Mais ça n'était pas la réalité, juste des théories. Utiles parfois, pas tout le temps, pas entièrement. S'essuyer les mains et la bouche dans une nouvelle serviette et prendre une gorgée de bière avant de reprendre, le regard devant lui. Jte dirais bien que ya vraiment pas de quoi être jaloux, que c'est une putain de plaie, et pas juste la partie "j'ai les Einsatzgruppen au cul", mais de l'autre côté... Pas que du négatif, même si ça n'était pas toujours facile de distinguer le positif. Quand il était en astral, il était complètement libre. Il volait. Il y avait une contrepartie, pesante, ça n'était pas toujours aussi simple et facile à gérer, mais il commençait à s'y faire et à aimer ce que ça lui permettait de faire. De voir. C'est... fascinant? Bon, un poil cliché jdois dire, mais pas comme s'il y avait eu un choix possible de toute façon. Le troisième hamburger qu'il avait sorti du sac avant de le déballer et lancer un clin d’œil à Charlie. You'll never guess... Et il avait croqué à pleines dents dans le pain et la viande, ne pouvant empêcher un soupir d'aise, même si les frites allaient tout de même être nécessaires.

J’ricane lorsqu’il évoque la reine. Il sait pertinemment c’que j’pense d’elle, de la royauté, et du gouvernement dans notre pays. « T’sais bien qu’elle a aucun pouvoir tfaçon. C’est Maggie qui tient les rênes, Maggie… Maggie qui tient la cravache. » J’suis à deux doigts d’entamer un chant insultant à l’égard de cette connasse, mais j’le fais pas. Pas l’moment. on s’assied et je mords à belles dents dans le pain d’mon burger, faut croire qu’j’avais faim. Il est pas si tard mais d’jà le soleil se couche et il fait scintiller le fleuve, chamarré d’oranges et de violets qui, sans trop que j’sache pour quoi, me rendent triste.  J’reste interdit, tout en mangeant la nourriture qu’il m’a si gracieusement offerte. J’me demande s’il a fait ça consciemment pour m’amadouer, revenir plus en douceur dans ma vie sans que je proteste ? Comme si j’allais protester, de toute façon. Je mange alors qu’il donne des explications on ne peut plus vagues. C’est compliqué, oui, ça j’m’en doute. T’façon, passé les douze ans, tout est compliqué non ? Et encore plus une fois qu’on est vraiment engagés dans la vie d’adulte. Alors je cherche pas à en savoir plus, je mange juste à grosses bouchées sans m’préoccuper d’une quelconque élégance. J’glisse un œil vers lui et j’vois qu’il fait de même. Je m’interromps au milieu d’une bouchée alors que je réalise, soudainement, à quel point il m’a manqué. J’crois que j’avais pas bien saisi avant, mais là, ça y est, c’est très clair. Alors quelque part j’peux pas m’empêcher d’espérer qu’il a assez confiance en moi pour expliquer, je suis déjà prêt à lui proposer mon aide, s’il y a des gueules à casser, des dettes à rembourser, des fuites à organiser…

C’est lui qui reprend, et j’suis pas vraiment sûr de comprendre au début. C’est quoi le rapport avec les comics ? Mais il continue et j’ai l’impression que je commence doucement à cerner ce dont il me parle, et j’peux pas m’empêcher d’écarquiller un peu les yeux, doucement, au fur et à mesure. « You don’t mean… » Okay, soit je délire à pleins tubes, soit il est vraiment en train de me dire ce que je pense qu’il est en train de me dire. « You’re shitting me, mate. » J’en oublie complètement ma bière, mon burger et tout le reste. « Bloody hell, how, what, when ? » En vrai, j’connais la réponse à une partie de ses questions, mais par contre… Wow, j’y crois pas. J’commence déjà à m’interroger, à essayer de deviner son pouvoir même si j’ai vraiment aucun moyen… Super cliché, il a dit ? « Super tea making ? You can create fish and chips out of thin air. You can… » Je baisse un peu la voix, réalisant que même si y’a pas grand monde, j’ai un peu trop élevé le volume. « You can… OH wait. Cliché, like… Super… Super relaxation ? No, wait, Super flexibility ? Like those yoga guys or whatever ? you can levitate? No... No wait, that's the tibetan guys. » Je fronce un peu les sourcils. j’m’enfonce. « Fuck me, I haven’t got the foggiest, » que j’déclare en me laissant aller, le dos contre le dossier du siège. « But anyways, i’ve got to admit that’s a pretty good reason to disappear like a bloody ghost. Would’ve probably done the same. » C’est totalement honnête. Déjà quand il se passe rien dans ma vie je fais ça, mais alors si un pouvoir qui me foutait une cible géante sur la gueule décidait de s’installer en moi, j’pense que plus personne entendait parler de moi… Probablement jamais, d’ailleurs. Mais y'a une chose qui est plus importante que tout le reste. « How're you holding on? »

Hoché la tête quand son compatriote avait saisi son sous-entendu, un demi-sourire sûrement plein de gras sur les lèvres devant les yeux écarquillés, puis secoué lentement avec le même sourire. Quant au reste, il savait déjà le quand, ça avait fait la une de tous les journaux et occupés les radios et télés pendant des semaines. Ça continuait toujours d'ailleurs. Et repris une bouchée de son hamburger, presque la terminer avant de manquer de s'étouffer avec quand Charlie avait balancé ses premières propositions. La bouffe qu'il avait reposée avant d'essayer de calmer la toux dans son poing, le plus discrètement possible. Le pire c'était qu'il avait presque la bonne réponse, vraiment pas loin... Ah non correction, il l'avait mais sans s'en rendre compte, et lui était reparti dans une quinte de toux, qu'il avait fini par noyer dans une grande gorgée de bière. Pile le temps pour que l'autre pose une autre question, une qu'il aurait préféré ignorer, tout en étant content qu'il la lui pose. Compliqué. Tout comme la réponse, hésitant sur ce qu'il pouvait dire, et comment. Pas vraiment envie de lui mentir, mais pas envie non plus qu'il s'inquiète.

Et puis il y avait l'autre menace, celle qui le poussait à regarder un peu trop souvent par dessus son épaule quand il était dehors, qui le rendait méfiant de chaque coin de rue. Qui lui faisait observer les alentours avec attention, à la recherche du moindre danger potentiel, et compris maintenant. Les rares promeneurs encore présents dans le parc, trop loin pour vraiment entendre ce qu'ils pouvaient dire sur leur banc, la façon dont les dernières lueurs du jour rajoutaient des reflets flamboyants dans les cheveux de l'homme à côté de lui. Some days are better than others. Ça allait mieux ces dernières semaines, autant parce qu'il pouvait avoir quelques nuits normales et paisibles que parce qu'il pouvait extérioriser ce qui tournait dans son crâne, mais ça n'était toujours pas l'idéal non plus. And "bloody ghost" is the one you're looking for. Peut-être ça qu'il devrait taguer sur son mur tiens. Un petit rire et il avait repris une gorgée de bière avant de reposer la canette, se penchant pour sortir l'un des paquets de frites. Plus pratique pour parler tout en continuant de manger, et il en avait avalé quelques unes au passage. Projection astrale plus précisément. Le corps à un endroit et l'esprit à un autre. La version simple et rapide. D'autres frites, son regard se fixant sur un point devant lui, pas vraiment défini. Bien sûr que c'était beaucoup plus complexe que ça, et c'était sans même parler du fait qu'il pouvait apparaître ou reste invisible, se faire entendre ou non, traverser les murs, voler... Tout le négatif qui l'accompagnait aussi, parce que ça ne pouvait pas être juste du positif.

Sa main qui s'était serrée autour du carton, machinalement, avant de revenir à l'homme à côté de lui pour lui décocher un sourire. Donc si je tombe d'un coup, t'en fais pas, juste que ça s'est déclenché vu que je contrôle pas cette partie. Encore loin même, et le reste n'était pas non plus un exemple de maîtrise parfaite, mais il avançait, un pas après l'autre, avec un but en tête. Montré d'un rapide signe la petite plaie à la lisière de ses cheveux, puis la bosse nouvellement acquise. Rebord des chiottes la semaine dernière, et le crâne d'un gars qui a voulu tenter le bouche à bouche au moment où je "revenais", sur le chemin ce soir. Pas le pire qu'il avait eu, vraiment pas le pire qu'il aurait pu avoir. En espérant que sa chance continue, parce qu'il n'avait aucune envie de découvrir ce qui arrivait à son esprit si son corps mourrait quand il était à l'extérieur. D'autres frites avant de reprendre. Je reste pas mal chez moi et mon sol est plus ou moins entièrement couvert d'énormes coussins et autres poufs, au moins c'est confortable. Qui ne rêvait pas d'un coussin XXL turquoise dans sa salle de bain franchement? Sa main qui tâtonnait dans le carton pour trouver les dernières survivantes, avant d'attraper la seconde portion. Donc ouais, encore désolé mate, et encore merci pour les sandwiches, t'as pas idée à quel point je bouffe en ce moment. Ou alors il commençait à se faire une idée, vu la vitesse à laquelle il engouffrait ses menus. Et ça me fait plaisir de te voir aussi. Genre vraiment, il s'en rendait compte maintenant. So... Am I your first?

« I get that mate, » que je marmonne en prenant une bouchée de mon burger pour essayer de r’trouver le peu de contenance que j’ai d’habitude. Par contre quand il explique de manière un peu détournée d’abord c’est quoi son pouvoir, puis qu’il est plus précis, je m’arrête de mâcher, la bouche toujours pleine de steak haché et de garniture. « Fuck me, » je crachotte un peu ma bouffe en parlant et je décide de finir ma bouchée, en m’étouffant à moitié avec. « Mate that’s fucking… Wow. » Toujours plein d’éloquence, en tout cas, y’a certaines choses qui changent pas. « That’s bloody mental. » J’cligne des yeux à plusieurs reprises, le détaillant un peu plus, j’penche la tête un peu sur l’côté. Il explique un peu ses blessures de guerre et je suis des yeux ce qu’il me montre sans trop savoir quoi dire à part « for fuck’s sake… that seems shite » et j’suis pas sûr que ça soit très utile là tout de suite. J’arrive pas à imaginer c’que ça peut être d’vivre comme ça, et en plus traqué par… j’peux pas m’empêcher de froncer les sourcils, de serrer un peu les dents, et je sens le côté de ma mâchoire se tendre alors qu’j’essaie d’me calmer.

« Ouais, tu m’étonnes, » que j’réponds sans vraiment savoir pourquoi je dis ça, parce qu’en fait c’est pas tellement évident. « Ton, euh… pouvoir ? Ton pouvoir, ça te prend de l’énergie d’l’utiliser ? Beaucoup j’suppose ? » J’penche un peu la tête sur le côté sans trop y réfléchir. « J’te ferai d’autres sandwiches avec plaisir. C’est normal de prendre soin des copains. » J’aurais fait la même chose pour n’importe lequel de mes potes à la maison, que ce soit James, Tim ou Peter, ou même des gens un peu moins proches. Et franchement, j’connais pas Rahim depuis si longtemps que ça, mais je sais pas, je l’aime bien, et si j’suis totalement honnête avec moi même, sa disparition m’a pas mal impacté, et avoir une explication me fait plus de bien que ce que j’aurais pensé, même si du coup, ça veut dire qu’il est dans une situation de merde. J’sais pas trop pourquoi, mais quand il me d’mande s’il est mon premier, j’peux pas vraiment m’empêcher de rougir un peu. Je m’étouffe un peu dans mon burger dont j’avais pris une bouchée, et je tape un peu du poing sur ma poitrine pour me remettre d’aplomb. « I mean… I think i saw one on the street a while ago, but… I guess you’re the first one i really know in person. » Je grimace un peu. « Do you… » j’ai un p’tit rire gêné, et je bois une gorgée de bière. « Sorry mate i don’t want to be offensive or anything. So you don’t have to answer i guess… But erhm, you said you were falling everywhere and all the time, so… Does that mean you don’t have control over it ? » J’plisse un peu les yeux, légèrement inquiet. « Do you have… Do you have anyone to go to to learn how to deal with that ? Can you… Can you even control it at all ? I mean, is there a way ? » J’réalise que j’pose pas mal de questions assez sérieuses, mais… « Cause hum, i don’t know shit about that whole thing but I want to help, so if there’s anything I can do at all… » Je pose ma bière, et j’me passe la main dans les cheveux vite fait avant d’allumer une nouvelle clope. « I mean, bloody hell mate, I wanna help. Even though i have no idea what you or the others are going through. » Je tente un sourire un peu crispé, parce que vraiment j’ai aucune idée de c’que je pourrais faire, mais j’pense que comme d’hab quand j’ai c’genre de choix, faut que j’fasse de mon mieux pour être, disons, du bon côté d’l’histoire.

Il n'avait pas pu s'empêcher de sourire entre eux frites au "fuck me", parce que Charlie n'était clairement pas le plus affreux à regarder, et à toutes les autres variations qui avaient suivies. Son accent avait quelque chose de rassurant, de familier, encore plus maintenant. Un bout d'un pays où il aurait tant voulu être, là tout de suite, très loin de cette foutue ville. Et de son pouvoir, si cette histoire de mutant qui avait perdu son pouvoir en essayant d'en partir était vraie. Le machinal hochement de tête quand l'anglais avait mentionné l'énergie que demandait l'utilisation de son pouvoir, avant de sourire un peu plus quand il lui avait parlé d'autres sandwiches. Thanks mate! Faillit lui redire à quel point il était désolé d'avoir clairement merdé sur ce plan, encore, mais il avait préféré reprendre une gorgée de bière. Et légèrement froncer les sourcils, à peine, quand l'homme s'était étouffé. Presque l'impression que ses joues étaient un peu plus rouges qu'avant, mais c'était peut-être juste la lumière du couchant. Le sourire plus doux alors que l'autre l'inondait de questions, un petit serrement au cœur s'y joignant quand il lui avait parler d'aider.

Le carton de frites désormais vide qu'il avait mis dans le sac avec le reste avant d'essuyer le gras de ses mains et d'en passer une dans ses cheveux. Honestly... Just knowing you still want me around...That helps. Maintenant que la société s'entre-déchirait pour décider ce qu'ils étaient et ce qu'il fallait faire d'eux, savoir sur qui il pouvait compter était devenu indispensable. Il s'était douté que Charlie en ferait partie, mais rien ne le garantissait non plus, plus d'une personne avait drastiquement changé son comportement suite aux météorites, il en était lui-même une preuve. Son regard à nouveau fixé devant lui, alors qu'il replaçait ses lunettes. Je sais pas, c'est peut-être juste un autre effet de mon pouvoir, mais j'ai l'impression qu'on est tous très seuls... Isolés... La peur du pouvoir qui se déclenche en public, de se faire repérer ou dénoncer, de se faire tomber dessus par l'U-AM. Celle de ce que qu'ils étaient devenus, ce qu'ils devenaient. Il l'avait vu chez les autres qu'il avait croisés depuis l'apparition des pouvoirs, de façons différentes bien sûr, mais c'était quand même là. "Uneasy lies the head that wears a crown", "With great power comes great responsability" and all that I guess... Le verre de coca qu'il avait sorti du sac en papier, enlevant le couvercle pour en descendre une bonne moitié avant de le poser à côté de lui.

Un haussement d'épaule et un autre sourire, parce que ça lui ressemblait bien de citer Shakespeare et Stan Lee dans une même phrase, et il avait pris un autre carton de frites. La faim était un peu partie, pas pour longtemps hélas, mais il aurait au moins un peu de répit. Le reste... Je contrôle pas la sortie, d'où les chutes, la partie astrale ça va relativement. Pas simple, c'est pas vraiment venu avec un manuel d'utilisation et les comics aident pas trop pour moi, et j'ai pas encore trouvé le maître sensei à moustache majestueuse pour m'apprendre. J'ai été voir au Centre Sōtō Zen, le moine était super sympa, mais il y connait pas grand chose non plus. Même s'il avait pu l'aiguiller sur certaines hésitations et répondre à quelques questions, en plus de le laisser profiter de la paix du temple le temps de leur entretien. Une belle poignée de frites qu'il avait englouti avant de reprendre. Je lis pas mal, des trucs new-age et d'autres que ma mère m'a conseillé, sinon c'est pas mal d'expérimentations et de tests... Et puis il y avait Nate qui avait repris son rôle de mentor depuis un peu moins d'une semaine, qui le poussait à travailler sur sa concentration comme il avait pu le faire des années auparavant. Blood, toil, tears and sweat, as Winston used to say... Son visage qui s'était tourné vers Charlie avec un nouveau sourire, qu'il voulait rassurant.  Wouldn't be fun if it was easy.

J’fronce de nouveau les sourcils à l’entendre dire qu’il est déjà content que je le rejette pas. Ça m’fait de la peine parce que s’il dit ça, c’est que j’imagine que ça c’est pas aussi bien passé avec tout le monde… J’suppose que… C’est comme les parents qui foutent leurs gosses à la rue pour telle ou telle raison… Je secoue un peu la tête en fixant le bout de mes baskets dégueulasses, et je reste silencieux un instant, alors que les mots peinent à sortir de ma bouche. J’ai pas été éduqué comme ça, et pourtant ma mère est pas exactement la plus traditionnelle en terme d’éducation à l’anglaise, mais… Parler de ce genre de trucs, exprimer ce genre de trucs… Pas le plus facile pour moi et mon awkwardness naturelle. J’essaie pourtant d’faire passer ça le plus naturellement possible, prenant une gorgée de bière pour me donner de l’aplomb. Ma voix est un peu triste, peinée alors que j'réponds. « …’Course I still want you around mate. You’re a bloody ledge. I’d be one gutted bloke without you around. » Okay. J’en ai peut être un peu trop dit. Inutile qu’il sache que j’ai passé ma vie à me morfondre sans lui ni Hannah les derniers mois. Du coup, j’découvre mes dents un peu de traviole dans un sourire qui se veut réconfortant, et j’vais pour boire une nouvelle gorgée de bière. J’détourne les yeux, franchement un peu gêné d’avoir balancé ces trucs comme ça, et j’fais mine d’observer autour de moi pour pas avoir à croiser son r’gard. Quand même, quand il parle de la solitude qu’il vit, j’me tourne d’nouveau vers lui, les lèvres serrées l’une contre l’autre. « I get it mate. Loneliness is shite. But i’m not sure mutants have the market cornered on that, though it probably doesn’t help cause you don’t who you can or can’t trust and all… » J’tente un nouveau sourire et j’penche un peu la tête en le regardant. J’sais pas si c’est la golden hour, cet air triste sur son visage, mais… J’balaie ces pensées d’un coup. N’importe quoi. J’rigole un peu à le voir si littéraire et si nerdy, ça lui ressemble bien, et quelque part ça m’rassure. Il a pas perdu son humour.

J’écoute c’qu’il me raconte, j’reste silencieux, ma bière entre les mains encore froide qui tiédit peu à peu, les genoux un peu écartés, les pieds aussi enracinés dans le sol que j’peux. J’arrive pas à imaginer, si un truc pareil m’arriver… Et pourtant il est là, il est debout, il est souriant… J’peux pas m’empêcher de l’admirer. J’me mords l’intérieur de la joue tout en écoutant c’qu’il a à dire, je hoche un peu la tête. « Hm. » c’est tout c’qui sort de ma bouche, j’vois pas quoi ajouter, même si les rouages tournent dans ma tête pour essayer d’trouver c’que j’pourrais faire pour l’aider. « If there’s anything you need… You let me know, m’kay ? Even if you just need somebody to watch over you while you travel through reality or whatever it is you do. » Il cite l’autre et j’peux pas m’empêcher de sourire, je ris même un peu, par le nez, baissant la tête. « That bastard knew how to make a speech, » je souffle alors que les commissures de mes lèvres s’écartent encore un peu. J’me redresse un peu, lâchant ma bière d’une main, j’le regarde en silence, un peu fasciné j’avoue, et sans que j’ai le temps d’m’en empêcher j’vois ma main libre qui va s’poser sur son épaule, la serrer un peu, la tapoter. « Just because it isn’t easy doesn’t mean you have to do it all alone. » J’reste comme ça un instant et c’est comme si, j’sais pas, j’reprenais mes esprits, je revn’ais à moi même. J’ai un rire nerveux et je retire ma main de son épaule un peu trop brusquement. Le contact physique, c’pas trop mon truc, en temps normal. Mais j’suppose… J’suppose que l’occasion se présente plutôt pas mal, là. J’me recule un peu, la pointe de ma basket trace un genre de ligne dans le sol pendant que j’me replace, et j’pose ma bière pour m’allumer une nouvelle clope. « Well… I’m sorry i can’t cook Indian food or whatnot, and just… just fucking bland stupid brit food… But I make ruddy good sandwiches and tea, so… If at least I can feed you… Cause mate i don’t mean to be rude but you look bloody famished. » J’rigole un peu. Pas mon style d’employer des mots comme çui-là. J’suis clairement un prolo légèrement qui s’est légèrement élevé, mais j’avoue, j’revendique mon statut. « y’need to get into that healthy lifestyle that’s all the rage in California and shit… They do this thing where they press wheat grass or whatever… Those yanks are just bloody crazy mate. » J’rigole à nouveau, donnant l’occasion à Rahim de changer le sujet s’il veut, ptet passer à quelque chose de plus léger, sans pourtant être trop insistant. À lui de voir, après tout, c’est sa confiance qu’il m’accorde, c’est avec moi qu’il accepte d’être vulnérable, j’aimerais essayer d’pas tout foirer.

Toujours eu cette facilité à parler avec Charlie, qu'il s'agisse de sujets sérieux ou de conneries, même si l'homme n'était clairement pas le plus bavard des deux. Et encore ce coup au cœur, parce qu'il lui avait manqué et qu'il avait vraiment déconné de le laisser dans le silence comme ça. Et il allait clairement devoir trouver un moyen de se faire vraiment pardonner, bien plus qu'avec un énième "sorry mate" en tout cas, surtout en l'entendant lui proposer une nouvelle fois son aide, sans contrepartie, sans même une demande éventuelle d'explication, tel qu'il le connaissait. Ça aussi c'était quelque chose qu'il appréciait chez lui, peut-être parce qu'il était pareil sur ce plan, toujours près à aider et soutenir les autres, encore plus ses proches. Tout comme son rire était définitivement rassurant au milieu du bordel ambiant qui les entourait malgré tout derrière ce début de soirée paisible sur un banc, une petite bulle de relative normalité. Bien trop rare ces derniers mois, même si ça commençait à s'arranger, un peu.

La soudaine sensation de la main de l'homme l'avait surpris et il avait tourné la tête instinctivement, se tendant une demi-seconde avant de relâcher devant l'absence de danger. Bon, pas encore totalement débarrassé de ses angoisses, mais ça viendrait aussi. Se fixer sur le regard de Charlie alors que sa main serrait un peu son épaule, sur ses lèvres alors que son cœur se serrait un peu plus à ses mots. Sa lèvre inférieure qu'il avait mordu, autant pour retenir l'affreuse réalité de son pouvoir et la solitude qui allait avec que le nouveau flot d'excuses qui montait, parce que lui n'avait pas hésité à laisser l'anglais seul. Et se détourner en même temps que lui, remettant ses lunettes en place plus par habitude et besoin de penser à autre chose que réelle nécessité. Rire avec lui quand il avait mentionné sa perte de poids, et un peu plus quand il s'était mis à imiter une de ses filles branchées qu'ils avaient tous les deux tendance à fuir. I know I'm from Kashmir but do I look like a bloody goat? Quelle idée de consommer le blé comme ça, alors qu'il était vachement plus sympa sous la forme d'un morceau de pain, par exemple. Nah, right now I'm into everything that can take me back to a normal weight, I'll see later for the healthy stuff... And I'd rather die than forgo bacon...

Joignant le geste à la parole, il avait terminé son carton de frites en quelques bouchées, faisant descendre le tout avec le reste de son soda avant de jeter les emballages dans le sac devant lui. Et sorti le dernier paquet de frites, encore tièdes malgré tout, pour le tendre à l'homme à côté de lui. Do you wanna talk about what happened with Hannah? Il savait que Charlie avait tout quitté à Londres pour la rejoindre de ce côté de l'Atlantique, et même s'il n'avait jamais eu une grande affinité avec la jeune femme, il avait eu l'impression que ça allait plutôt bien entre eux la dernière fois qu'il avait vu l'anglais. Or she's a bitch who only deserves to be locked with an implausibility of gnus in heat? Toujours adoré ce truc de la langue anglaise, les noms de groupes d'animaux, et il s'était fait une joie d'en retenir le plus possible même si ça servait vraiment rarement. Et malgré tout le respect, et l'admiration, qu'il avait pour les femmes, elle méritait d'avoir les oreilles qui sifflent pendant quelques heures, juste parce qu'elle avait osé quitter un mec en or comme Charlie.

Y’a un moment de silence un peu bizarre quand j’ai ma main sur son épaule. On s’dévisage tous les deux, j’peux pas m’empêcher de remarquer qu’il mord sa lèvre inférieure et j’arrive pas non plus à stopper la chaleur qui me monte aux joues, alors je détourne le regard, j’me recule, l’air de rien. C’est quoi ce bordel ? J’ai l’impression que mon cœur bat un peu plus vite, et j’crois surtout que c’est la panique de pas comprendre ce que je fous. Il fait pareil et j’essaie de pas trop montrer à quel point j’suis troublé, évitant soigneusement de le regarder pendant un moment. Finalement, j’reprends, changeant un peu le sujet, histoire de respirer un peu mieux.

Heureusement, une chose sur laquelle on peut toujours compter pour rigoler un coup entre nous : les habitudes toujours plus loufoques des amerloques. « I’m sure those valley girls would be delighted to wear jumpers made with your hair mate, so be bloody careful if you come across one. » J’rigole un peu plus encore, et puis je hoche la tête. « Nothing like some greasy food to get you going right ? » Je laisse mon regard se perdre un moment. « I really miss some nice cheesy gravy chips as a drunken snack… » Tellement de souvenirs me reviennent dans lesquels la sensation du reste de sauce sur les doigts est omniprésente. À déambuler avec les gars au coin des rues remplies de fog dans la nuit humide de la capitale, à grailler ces putains de frites dégoulinantes histoire d’éponger un peu tout l’alcool qu’on avait bu et de calmer la foncedalle. « Hey, we’re not far from Canada right… ? Don’t they have some sort of cheesy gravy chips up there ? I’m sure we could find a place that makes them right ? » Je me tais un instant, salivant à l’idée de trouver un tel endroit, et puis j’me reprends. « And i mean, i can always make you some decadent egg and grilled cheese sandwiches… i’ve been told mine are mega. I’ll throw in some bacon if you like. » J’souris, et il me tend le carton de frites. J’en prends une que je fourre dans ma bouche avant de lever légèrement la main, paume vers lui. « I’m good mate. Thanks though. »  Et là, il me sort la fameuse question, et j’avoue que j’me crispe un peu.

« I, uh… I don’t think there’s much to say, actually. » Je souffle un peu par le nez à sa blague, mes coudes venant se poser sur mes genoux. « You know i’m not great at this whole… » J’fais un vague geste d’la main. « This whole… Talking about your feelings and aw. » J’ai un soupir qui m’a tout l’air de venir du fin fond de ma cage thoracique, comme si je l’avais contenu longtemps. J’en ai parlé à personne, de ma rupture avec Hannah, pas même à ma mère. « I guess… She just grew tired of me, man. Or maybe she grew tired of dating some loser that used to be in a band. I get it, honestly. » J’dis ça avec un sourire, j’rigole même un peu, mais c’est un rire jaune. J’arrive juste pas à dire honnêtement ce que je ressens, parce que, bah… Moi même j’sais pas. J’veux dire… J’ai été en colère. J’ai été triste. Elle m’a manqué. Elle me manque toujours, je suppose… Mais est-ce que c’est elle qui me manque, ou simplement le confort que m’apportait sa relation avec elle ? En toute franchise… Elle a bien fait de partir. Mais pour admettre ça à voix haute, il me faudrait un peu plus de courage que j’en ai. « Shit happens, right ? I just feel stupid i came all the way across that bloody pond for… That. To be fair, i didn’t see it coming. But then again, i’ve never been great at reading people. Even the ones i love. » C’est juste un constat, mais j’réalise que depuis l’début de cette conversation, j’en dis toujours un peu plus que c’que je veux bien. J’avais oublié à quel point parler avec Rahim était plus facile qu’avec la majorité des gens. J’relève les yeux vers lui, et je m’efforce de lui sourire, même si j’suis pas sûr que la courbe d’ma bouche aille bien avec l’expression du reste d’mon visage.

S'appliquant à terminer les frites, il écoutait ce que répondait Charlie, autant ses mots que ses pauses. Parce qu'il y avait aussi des choses dans le silence, dans ce qu'on ne disait pas, presque plus que ce qui était formulé au final. Le regard à nouveau sur lui, sur la façon dont son dos s'était courbé pour suivre le mouvement de ses coudes sur ses genoux. Presque sorti son carnet pour faire un rapide croquis, mais ce n'était pas vraiment le moment, même lui était capable de le comprendre. La façon dont son rire sonnait dans le parc presque vide maintenant, dont son sourire détonnait avec ce qu'il pouvait voir dans son regard malgré les verres teintés. Et se rendre compte qu'à part quelques banalités, il ne savait pas trop quoi dire. Jamais été dans cette situation, jamais eu de relations qui se brisaient comme ça, jamais tout lâché pour suivre quelqu'un. Plus ou moins jamais eu quoi que ce soit qui ressemble à ce que Charlie avait eu avec Hannah, et pour lui ça s'était terminé - enfin juste la partie "couple" - d'un commun accord, sans aucun ressentiment ou autre derrière.

Enfin si, quelques petites choses à dire tout de même, mais d'abord il avait jeté le carton de frites avec le reste des emballages vides et pris une gorgée de bière. You know you're not just "some loser" right? I mean, mate, you're a musician, a singer, an embalmer, a damn good tea-and-sandwich-maker and a really good friend, at least. Sa main qui s'était posée sur son épaule, la serrant brièvement avec un sourire qu'il espérait rassurant, avant de reprendre sa bière pour une autre gorgée. And so much more, no doubt. Ça faisait peu de temps qu'ils se côtoyaient vraiment après tout, mais comme avec chaque personne avec qui il passait un peu plus de temps qu'une soirée, il adorait découvrir chacune des facettes de Charlie, et il se demandait ce que ça donnerait maintenant qu'il était célibataire. Et peut-être que c'était pas la meilleure idée au monde de la rejoindre ici, mais ça t'a permis de découvrir d'autres choses, de rencontrer d'autres gens, d'avoir d'autres expériences... Et de pouvoir être au premier rang d'un événement historique majeur. Bon peut-être que l'anglais aurait aimé s'abstenir pour le dernier, et il n'allait certainement pas lui en vouloir pour ça, mais c'était l'idée générale. Essayer de dégager le positif, aussi pourrie soit la situation.

La bière qu'il avait terminé d'une traite avant de l'envoyer rejoindre les autres déchets dans le sac, avant de se lever pour récupérer celui désormais vide de Charlie et aller tout jeter dans la poubelle la plus proche. Et en profiter pour jeter un œil sur le parc, où ils étaient plus ou moins seuls. Pas étonnant vu l'heure, mais pas rassurant non plus. Proies faciles, disait une voix dans un coin de son esprit. Revenir au banc et tirer une cigarette de son sac pour l'allumer, et souffler un nuage de fumée avant de proposer ce qui lui semblait le plus logique pour la suite. Vu que tu bosses pas ce soir, ça te dit de venir à l'appart? Je dois encore avoir des bières, au pire on passe à la supérette en prendre, un peu de bonne musique, quelques joints si ça te dit et on se fait une soirée posée? Ça serait pas la première fois qu'ils passeraient une soirée comme ça, et même s'il était sensé réduire sa consommation d'alcool, ce n'était pas quelques bières qui allaient le faire sombrer dans un état d'ébriété avancé. Bon je te cache pas qu'il est possible que mon pouvoir s'active sur le chemin ou chez moi, mais au moins j'pourrais te montrer ce que c'est vraiment, à part "ah il a l'air évanoui". Le contrôle de cette partie était encore loin, hélas, mais il faisait des progrès sur le reste, et c'était ça le plus intéressant. Et une nouvelle bouffée de nicotine, ressortant presque aussitôt en nuage.

J’sais pas tellement quoi dire quand Rahim s’emploie à me réconforter. J’ai pas dit ça pour mendier des compliments, ou… Mais j’avoue que l’entendre dire ça, bah ça me fait plaisir, mine de rien. De savoir que lui, au moins, il me voit pas comme ça. « I dunno man, » j’bredouille ça comme ça pour me donner un peu de contenance, « I dunno. » Quelque part, j’m’en veux un peu que la conversation soit arrivée sur moi alors que clairement, il est dans une situation beaucoup plus compliquée que la mienne, lui et tous les autres qui ont muté au contact des météorites. J’devrais pas me plaindre, probablement. Mais… Je suppose que c’est lui qui a demandé. Il met sa main sur mon épaule et j’lève les yeux vers lui, j’dois ressembler à un lapin dans les phares d’une voiture au début et j’me crispe pas mal, mais… Finalement, j’arrive à me calmer et en fait j’crois que ça me fait du bien, mes muscles se détendent un peu, et je respire presque normalement, mais si sans trop que j’sache pourquoi j’ai un peu chaud.  J’essaie de retenir mon rire lorsqu’il évoque ce fameux événement historique majeur que nous sommes tous en train de vivre, mais il sort quand même, sous la forme d’un souffle qui s’échappe de mes narines. « You wanker. » J’me laisse aller à rigoler un peu. « I suppose you’re right. As always. » J’sors une clope de mon paquet, j’l’allume, tire une taffe, et boit ce qui restait de bière en grimaçant un peu parce qu’elle a tiédit. Plus jeune, je m’en serais foutu comme de mon premier médiator, comme quoi en vieillissant on développe des exigences… Je secoue la tête en filant ma canette à Rahim qui rassemble le tout et va jeter le sac, mes yeux le suivent alors qu’il s’éloigne et lorsqu’il revient je détourne la tête un peu trop brusquement, comme si j’avais quelque chose à me reprocher. Mais j’ai rien à me reprocher. Pas vrai ? Je me mordille la lèvre inférieure pendant un petit moment, oubliant d’arrêter quand j’me retourne vers lui parce qu’il me parle.

Sa proposition me fait sourire, et je hoche la tête. « I’d love to mate. And tonight i don’t have to leave early to avoid being scorned by any type of girlfriend, so… » Je fais le signe des cornes de ma main libre. « Let’s rock on then. I’m not worried about the beers, we can always buy some. » J’me lève avec le grognement habituel, mon corps épuisé par le manque de sommeil proteste un peu, et j’récupère juste mon paquet de clopes qui était posé sur le banc à côté de moi, que j’fourre dans ma poche. « Go on then, chop chop ! » que j’m’exclame. Il évoque son pouvoir et j’penche un peu la tête, par curiosité. En même temps ça m’intrigue, en même temps s’il pouvait éviter de s’évanouir ça serait sûrement mieux, mais j’décide de tourner ça à la rigolade. « Well if it’s on the way it’s alright, i’ll just carry you home like a ragdoll. I’m pretty sure i can do it, i’m not that strong but you’re, like, what. Two stones ? I can manage it. » J’flex mes muscles qui sont t’façon invisibles sous mon blouson, avec un sourire un peu de traviole scotché sur la gueule, pis j’me mets en marche. « Come on then lad ! I know the way but you’ve got the keys and i don’t wanna break a window to get in ! » J’traîne mes baskets en direction d’la sortie du parc que j’atteins vite, et j’me retourne vers lui, retirant ma clope d’entre mes lèvres, et j’fais un mouvement de tête dans sa direction. « Anyway, you said there were cushions and stuff all over the floor ? Sound like a mad lavish place you got yourself mate. Some kind of palace am i right ? » J’rigole à nouveau un peu. C’est bizarre, j’ai l’impression que ça fait un bon moment que j’ai pas rigolé comme ça. Finalment j’lui mets un ptit coup de coude quand il arrive à mon niveau. « Well if i’d known i’d be friends with a proper superhero, huh ? That is mental man. » Que j’dis en baissant la voix, sur l’ton de la confidence. « I just hope i can be a tolerable sidekick and not just a damsel in distress, eh ? »

Le temps de réunir le peu qu'il avait sorti de son sac et de passer la bandoulière sur épaule, et il emboîtait le pas à Charlie, enfin déjà il essayait de revenir à son niveau. Le rire qu'il n'avait pas retenu en l'entendant commenter son poids, un peu plus en le voyant prendre des poses de culturiste qui détonnaient complètement avec le décor et qui il était de manière générale. Ça faisait du bien, pouvoir juste rire et déconner avec l'homme, ça lui avait manqué. Et demi-tour, parce qu'il venait de réaliser qu'il avait laissé un de ses gobelets de coca sur le banc, celui encore plein, et son briquet aussi maintenant qu'il le voyait posé là, sur le banc. Verre dans la main, il avait accéléré pour rejoindre l'entrée du parc, non sans gueuler un "I'm on the fifth floor you knobhead, if your throw and aim are that good I enlist you to whatever baseball team they have here!" un brin moqueur, tout en sachant qu'il en était parfaitement capable, juste pour le défi. Secouer la tête en levant les yeux au ciel derrière ses lunettes devant l'image qu'il se faisait de l'appartement et des coussins qui encombraient plus ou moins tout le sol, hésitant à le corriger avant de juste tirer sur sa clope, il verrait bien par lui-même une fois sur place. Et se prendre un coup de coude, râlant en réaction pour la forme. You should open a comicbook sometimes, I'm no superhero.

Déjà parce qu'il n'avait pas le costume typique, de préférence suivant les formes du corps d'affreusement près - parce que c'est bien plus facile et rapide à dessiner que des plis complexes - et ensuite il y avait tout ce qui définissait un super-héros. La bravoure, le courage, l'abnégation, toutes ces belles valeurs réunies en un être, plus ou moins infaillible sauf que le scénario l'exigeait. You're too tall to be my side-kick, you'd steal all the spotlights. And I'd like someone cute, well, cuter than whatever you're rocking right now. La clope qu'il avait coincé entre ses lèvres avant de désigner d'amples mouvements des mains la silhouette générale de son ami, parce qu'il avait évidemment remarqué son état général. Hôpital, charité... And now that I think of it, I also have "The Mentor" : Nate, a crazy talented photographer I met in art school eons ago. As for the damsel in distress... Sorry, the seat is already taken. Le sourire en coin, juste quelques secondes, avant de le barrer d'un index. Clairement pas l'endroit pour expliquer ce qu'il voulait dire par là, alors qu'ils rejoignaient la rue puis l'artère principale pour revenir à son appartement. Et lancer Charlie sur d'autres sujets, musique principalement, les derniers albums sortis, ceux qu'il avait acheté fin juillet aussi. Un rapide passage pour se plaindre de l'absence de "vraie" bière au rayon alcool de l'épicerie à un bloc de chez lui, avant de repartir malgré tout avec de quoi tenir une soirée. Et tenir la porte de l'immeuble pour laisser passer l'homme avant de le rejoindre dans l'ascenseur.

Machinalement ouvert la porte avant de le laisser entrer, pour qu'il puisse se faire une bonne idée de la réalité par rapport à ce qu'il avait probablement imaginé, parce que l'assemblage hétéroclite de coussins plus ou moins colorés, aux textures différentes et absolument pas assorties et les poufs qui cohabitaient désormais dans tout l'appartement n'avait rien à voir avec le palais luxueux que l'anglais avait mentionné. I was going for "hippie squat meets crack-den meets kindergarden"... Et c'était plus ou réussi quelque part. Récupérant les bières qu'ils venaient d'acheter, il avait été les mettre au frigo pendant que Charlie découvrait l'étendue de l'invasion dans le couloir et le salon. Enlevé ses lunettes pour les ranger dans son sac avant de sortir deux bières déjà fraîches et de rejoindre l'homme debout au milieu de l'étendue de rembourrage enfermé dans des tissus divers. That's a lot to take in, I know... At least that's what they usually say. Le sourire en coin, fier de sa connerie, alors qu'il lui tendait l'une des bouteilles. Come on, they don't bite! La légère poussée dans son dos pour essayer de le faire chavirer dans le gros coussin - velours rayé orange et jaune, surement début seventies - avant d'enfin poser son sac par terre à côté du canapé où il s'était laissé tomber avec un soupir de bien-être. Le léger cercle qu'il avait fait faire à son cou avant de se pencher sur la table basse pour y poser sa propre bière et sortir son paquet de clopes. As usal, beers in the fridge, pot on the table, be my guest, my casa, your casa, whatever.

Il me rejoint à la sortie du parc et j’rigole en entendant sa répartie. « You say that cause you’ve never played cricket with me mate ! I’m bloody good at it ! » Mon rire se transforme en sourire narquois. « Comic books are up your alley, not mine, but i’d have to agree, you’re no superman… » J’croise les bras avec une moue exagérée alors qu’il me refuse tous les postes que j’aurais pu avoir dans son comic book, et j’réponds sur un ton faussement offensé. « Hey ! Sod off mate! That’s the best i can do, not all of us are as gifted by mother nature as you are, pretty boy! » J’fronce les sourcils comme si j’étais vexé, mais j’en hausse un lorsqu’il mentionne son mentor et la place de la demoiselle en détresse. J’penche un peu la tête sans rien dire, j’peux pas m’empêcher de me demander c’est quoi son type de nana, à Rahim. Là tout d’suite, j’ai du mal à l’imaginer. J’me contente de rigoler, du coup. « Well, good. I’m not great at being helpless anyway. Don’t like it one bit. » Finalement on fait le trajet en continuant de discuter, de rigoler, d’se vanner même, on fait vite fait les courses de première nécessité à savoir des bières, et on finit par monter. On monte les cinq étages, en ascenseur heureusement parce que sinon j’sais pas comment mes poumons auraient fait, et il ouvre la porte, révélant… Disons que ça fait moins palace de maharajah que j’avais pensé. « Thank fuck you’re into drawing and not interior designing mate, you’d never make a living off that… » Ça m’échappe, et juste après un grand rire qui vient du fond de mon ventre. J’sais que j’devrais pas me moquer, qu’il a fait probablement comme il a pu, mais j’peux pas faire autrement que trouver ça hilarant.

Il vanne à son tour, mais j’suis toujours en train de rigoler, et c’est pendant une respiration que j’arrive malgré tout à répondre. « Oh yeah, they, the people you have over for some weird woodstock on crack-themed orgies ? I’m sure they must love it here… » Il me tend l’une des bouteilles pendant que je me calme, et me pousse gentiment vers un des coussins. « Are you sure tho, mate, that they’re not infested with some sort of stuff… Like, ewoks or whatever ? » Je fais mine d’avoir peur de m’asseoir, mais en fait j’en profite surtout pour boire une gorgée de ma bière puis la poser sur la table basse. « I should remove my shoes tho… i don’t want to get them dirty. » J’rigole, un peu fière de ma blague, et j’retire mes chaussures, des vieilles baskets pourries que je traîne partout sans vraiment faire gaffe où je fous les pieds. « Thanks mate. » J’me laisse du coup tomber sur un coussin, celui sur lequel il a tenté d’me faire trébucher y’a genre une minute, et j’récupère ma bière avant de me vautrer, la nuque calée sur le bord du canapé. J’prends une gorgée et puis finalement, j’me redresse, j’m’allume une clope, et j’sors de ma poche de quoi rouler, récupérant la weed posée sur la table. J’roule tranquillement le joint tout en fumant la cigarette que j’ai dans la bouche, la fumée v’nant un peu me piquer les yeux. J’m’interromps un instant pour la poser dans l’cendar, et prendre une nouvelle gorgée d’bière. J’finis de le rouler, et j’vais pour enlever mon blouson, et en faisant ça j’réalise que j’ai un truc dans ma poche que j’avais complètement oublié. J’sors la carte de buvards et j’la secoue un peu en l’air. « J’ai ça aussi, s’tu veux, » que j’propose l’air de rien avant de poser l’truc en question sur la table basse avec le reste et de reprendre mon roulage. « J’fais c’que j’peux pour r'trouver de l’inspiration hein, » j’marmonne ça comme ça, sans vraiment y penser, mais c’est vrai que d’puis qu’Hannah et moi c’est fini, j’ai pas écrit une seule chanson en entier. C’est à peine si j’ai joué quoi que ce soit. J’suis sûr que Rahim aurait des idées pour retrouver l’inspi, mais quelque chose d’autre m’intrigue plus avant ça. « Sooo…. Who’s the damsel in distress, huh ? Who’s the lucky minx ? » J’fais un sourire un peu narquois, mais j’suis réellement intrigué, en fait.

Pas pu s'empêcher de sourire un peu plus en entendant Charlie mentionner les orgies, l'excuse qu'il avait sorti à Lily quand elle était venue. Comme quoi, c'était pas si improbable. Nah, they're too afraid of the plague-ridden rats. Lâché machinalement alors qu'il devançait Charlie dans l'ôtage de chaussures, balançant ses baskets dans l'immonde pouf violet à côté de la bibliothèque. Puis il avait ouvert sa bière et en avait pris une grande gorgée avant de la poser sur la table basse, croisant ses jambes sous lui avant de sortir feuilles et briquet, et la légère grimace qu'il avait eu en voyant les buvards. En soi il n'était pas contre, même plutôt bien aimé quand il était plus jeune, mais... Thanks but pass, don't think it'll do well with my anxiety. Beaucoup trop "adulte raisonnable" à son goût pour ce soir, donc il avait contrebalancé ça en commençant à rouler. Et pouffer un peu quand l'anglais était revenu sur le sujet esquivé plus tôt. Évidemment qu'il allait vouloir savoir qui était cette fameuse demoiselle en détresse. A cute little blonde with a fiery temper. Her name is Brooke, but I call her Princess, we met mid-july in Southwest and every week since. Bien sûr qu'il faisait exprès de donner à la réalité un air de normalité, un "boy meets girl" classique, tout comme il était évident que Charlie devait se douter qu'il y autre chose derrière tout ça, sinon elle n'aurait pas ce titre. In that bloody concentration camp they call "jail"...

Le temps de coller la feuille et il avait sourit au regard que l'homme lui lançait, s'extrayant du canapé pour ouvrir la fenêtre la plus proche avant de revenir s'asseoir. No worries, mate, I wasn't "there", only in astral form. I usually leave my body in a park nearby, just another guy taking a nap in the summer sun while it lasts. Et de l'extérieur, c'était vraiment à ça que ça ressemblait, rien de plus. Aucune chance de savoir qu'il y avait quelque chose qui clochait si on ne s'y intéressait pas plus que ça. Somewhere in june I projected in that fuckin' place, saw things I'm still dealing with, swore to never come back... And came back anyway a month later... Found her in one of the cells, locked since the beginning, going slightly mad, thinking she's hearing voices... Coinçant le joint entre ses lèvres, il l'avait allumé et expiré un lourd nuage de fumée. That's how I found I could be heard, and seen, if I wanted to. So yeah, I go there once a week to keep her company, try to lift her spirit up - I know, shut up - and we train a bit. Et puis il y avait le reste, dont il n'avait parlé à personne à part les concernés. Nate ne voudrait pas entendre parler, parce que ça concernait l'U-AM, et Stan... Ses yeux qui s'étaient posés là où il y avait eu une large tâche de sang à peine deux semaines plus tôt, avant de revenir à Charlie. La pause peut-être un peu plus longue qu'il ne l'aurait voulu alors qu'il prenait une gorgée de bière. Qu'il posait son joint dans le cendrier pour mieux se caler dans le canapé. And... I'm supposed to help get her out... Soon...

Il les avait senti, les légers tremblements dans ses mains, la lourdeur dans sa poitrine, quelque part autour de son cœur. La baisse soudaine de la température, puis sa hausse, alors qu'il sentait une goutte de sueur serpenter sur sa tempe. Celle qui avait suivi, pendant que les trop nombreuses angoisses liées à cette histoire d'évasion s'imposaient dans son esprit. Les soldats qui capturaient ses deux camarades avant même qu'ils atteignent la cellule, ladite cellule vidée entre deux vérifications, les trous rouges dans leurs fronts... Le mime de soupir qu'il avait eu en baissant les yeux sur son propre corps, parce qu'il avait vraiment l'air de faire une petite sieste là tout de suite, et celui par la fenêtre avant de revenir vers Charlie. And as you can see, I'm totally not stressed 'bout that. L'effort de concentration qu'il avait fait pour lui faire entendre sa voix, et un peu plus pour apparaître en désignant son corps de manière générale, avant de disparaître à nouveau. Since I'm out, wanna see some fun stuff? Parce qu'il n'était évidemment pas qu'un corps amorphe dans le canapé, il y avait beaucoup plus intéressant quand il était sur le plan astral, à portée de pensée. Juste une question d'imagination, et il en avait à revendre. Un autre effort de concentration et il était apparu à l'envers, les pieds posés au plafond comme s'il s'agissait du sol, quelques secondes avant de disparaître encore une fois. Et se placer derrière l'homme, avant de traverser son torse du bras en réapparaissant au passage, pour imiter les Chestbursters d'Alien, son compris. Le rire qu'il avait eu en s'éloignant, digne des fantômes auxquels il se comparait régulièrement, avant de juste flotter au dessus de la table basse. Could you be a dear and grap the ice-pack in the freezer? Gonna have a massive headache. Et foncer se mettre debout dans le frigo, prêt à faire le bon vieux coup de la tête posée au milieu de la glace dès qu'il ouvrirait la porte du compartiment.

Peut-être que c'était puéril d'avoir attendu le moment où Charlie avait ouvert la porte du freezer pour prendre une tête digne des meilleurs films d'horreur, et ça allait lui coûter quand il reviendrait dans son corps, mais quelque part ça faisait du bien de juste pouvoir s'amuser un peu avec ça. Jouer quelques secondes au fantôme flippant avant de rire en voyant l'homme en face, disparaissant pour ne faire qu'entendre sa voix, moins fatiguant. You should've seen your face! Première fois qu'il avait la possibilité de le faire, maintenant qu'il y pensait, et il voyait bien le sourire sur le visage de l'anglais. And the ice helps with the headaches. La meilleure solution qu'il avait trouvé quand il n'était pas possible d'avoir l'autre version, quand il pensait à les remettre au freezer. Un regard en direction d'un des tiroirs et il avait suivi Charlie vers le salon, avant de l'y précéder, passer à travers le mur quelques secondes pour voir si tout allait bien dehors, plus bas au niveau de la rue aussi, et revenir flotter près du canapé.

Il trouvait ça amusant aussi que son invité soit aussi prompt à la question, lui qui était d'habitude bien plus réservé et peu bavard, et en plus elles étaient intéressantes. Enfin pour quelqu'un qui n'avait jamais rencontré le pouvoir en question, et il s'était déplacé. On your left. Une brève apparition, pour lui montrer qu'il était plus ou moins assis à côté, et retour à l'invisibilité. Coming back, will be easier. Un nouveau face à face avec son propre corps, les cernes toujours aussi profondes qui cerclaient ses yeux, se concentrer sur pourquoi il voulait revenir, et une grande inspiration avant que la douleur du retour ne s'empare de son corps. Son bras tremblant qui avait cherché puis trouvé le sac de glace pour le poser sur son front, ses paupières fermées pour s'épargner les aiguilles de lumière qui agresseraient ses rétines, et une nouvelle inspiration, plus laborieuse, brûlant sa gorge. Ça lui apprendrait à faire le con tiens. Juste le temps que les douleurs les plus importantes se dissipent et il s'était redressé pour se vautrer plus largement dans le canapé avec un soupir tiraillant ses tempes. Un bref signe de la main à l'autre pour lui indiquer que ça allait, pas besoin qu'il s'agite. It's fine... The usual stuff...

Le temps que les derniers reliquats de fourmillements dans ses doigts disparaissent et il avait récupéré son joint, le rallumant avant d'expirer un large nuage de fumée. So, in order: i choose the duration, given I have the will to come back to my body, please don't move it if not necessary... Ses sourcils froncés alors que sa main libre se portait à son front pour repositionner le sac de glace. I don't have a link to it, I won't know if someone takes it or whatever you can do to a body. Happened, fortunately in a safe place, but it was bloody creepy to have to search for it. Le fin sourire sur ses lèvres, bref, avant que son crâne se remette à tambouriner, et une nouvelle bouffée pour essayer de faire passer. As for the baby-sitting... Parce que c'était ça, avoir quelqu'un qui surveillait son corps quand il le laissait derrière, il avait déjà réfléchit à cette possibilité. Mais c'était toujours les mêmes conclusions... Would be safer yeah... But won't impose that on anyone if not absolutely necessary. And... Yeah, beside the jail thing, I don't really go out that much, home is safe enough for now. Et quand ça ne serait plus le cas... Coinçant son joint entre ses lèvres, il s'était redressé, une main pressant la poche de glace contre son front tandis que l'autre se posant sur l'épaule de l'homme, brièvement, avant d'attraper sa bière pour en vider la moitié. Why, planning to do unspeakable things to my body while I'm out of it?

Finalement terminé sa bière, la dernière de la soirée. Déjà fait bien assez d'écarts par rapport au régime qu'il était sensé tenir cette semaine, autant ne pas aggraver un peu plus son cas. Encore quelques minutes avant que le mal de crâne ne se dissipe et il avait reposé la poche de glace sur la table, pas le moment de se faire une brûlure à cause du froid en plein milieu du front. Et se poser un peu mieux dans le canapé pendant que Charlie lui disait vouloir l'aider, et surveiller son corps quand il devrait en sortir pour aider Brooke à s'échapper de la prison. Qu'il voulait aider de manière générale, et pour ça il ne pouvait que l'apprécier encore plus. Parce qu'il voulait aider, même s'il n'était "qu'un" humain, même s'il aurait été bien plus sûr de faire comme la plupart faisait : baisser les yeux et attendre que ça passe. What you're doing now is helpful you know... Being able to talk to someone without fearing that that someone's gonna run straight to the pigs after... Being able to trust someone... I think we'd need more of that... De gens comme Charlie - et Nate - mais aussi de dialogue entre les différents partis, même s'il savait que ça n'était pas encore pour demain. Pas quand moins d'un mois avant Perséphone agitait tout en parlant de vengance et de rétribution.

"You young people"? I'm older than you, you asshat! Juste quelques années, pas grand chose au final, mais quand même. Oh don't worry, I know someone who can stick around... Littéralement, alors que l'image de la pochette d'album collée à la main de David, deux semaines auparavant, remontait à la surface. And someone who can shoot lasers with their eyes... And one who can make gravity their bitch... And one who could freeze Hell... Ouh and one who can make their imaginary friends real... Really trippy that one! Pas vraiment le sujet il le savait, mais il n'avait pas envie de mettre quelqu'un d'autre en danger si ça n'était pas vraiment nécessaire, pas s'il y avait une autre manière de faire sans. Et tant qu'il n'aurait pas déterminé où il pourrait s'installer devant l'évasion, ce qui risquait de changer si les entraînements avec Nate commençait à porter leurs fruits. Don't worry, I'll call you if there's a sidekick gig opening, but... La pause enfumée, nécessaire, alors qu'il réfléchissait à la façon de formuler la réalité, celle qu'il avait lui-même du mal à accepter. If they find my body, it's already too late for me and you don't stand a chance against trained armed men, no matter how punk you are... And I'd hate to see you hurt, especially if it's for something already lost.

Le soupir fatigué qui avait passé ses lèvres sans qu'il pense même à le retenir, et la main qu'il avait passé dans ses cheveux, se débarrassant de la légère humidité créée par la poche de glace sur son front, avant de se redresser pour donner une tape sur l'épaule de Charlie. Enough wallowing about my problems! Beside Hannah not knowing what she's missing, what happened to you those last months? Son joint coincé entre les lèvres alors que son autre main entourait le bras de l'homme pour le secouer un peu avec un petit rire. Come on, tell me EVERYTHING! Let's talk about normal stuff, like the cute girls eyeing you up at work and the latest music you shake your skinny ass to! Il avait fini par le lâcher, surtout pour faire tomber la cendre dans le cendrier, et tendu le bras pour fouiller dans son sac pour sortir une bouteille d'eau, en prenant une grande gorgée avant de la reposer. Like, did you go see Saving Stardust?

C’est un peu frustrant, on va pas se mentir. Prooser son aide et se voir remballer… Ça me rappelle ma mère qui me disait de pas m’en faire quand elle jonglait avec deux boulots pour m’élever et payer les factures, quand j’étais gamin. Pas pour rien que dès que j’ai pu, j’ai commencé à lui envoyer une bonne partie de la thune que je gagnais, même si ça voulait aussi dire continuer à vivre dans ce trou à rats… Et puis, ce trou à rat c’était chez moi. Si James et Tim, enfin, surtout James, pouvaient y vivre avec leurs moyens, alors j’avais aucune raison de vouloir partir, malgré l’humidité, le parquet de merde sous la moquette crasseuse, la peinture écaillée… Mais bon y’a pas vraiment grand chose que je puisse faire, là, pour le convaincre que je sois utile. « I feel like… That’s just basic human decency. We should’ve learned that by now, » que j’dis, un peu penaud de réaliser que probablement la plupart des gens partagent pas mon point de vue, ou que si c’est le cas ils se gardent bien de le dire haut et fort. Il semble particulièrement vexé de ma blague sur sa relative jeunesse, ou plutôt ma relative vieillesse, et je peux pas m’empêcher de rigoler comme un idiot. Il reprend mon argument et mes épaules s’affaissent un peu. J’ai un léger pincement au cœur, sans que j’m’explique vraiment pourquoi. P’têt la sensation d’être exclus, mais c’est débile. Peut être l’impression qu’il me fait pas confiance, ou pas assez. D’un autre côté, est-ce que j’peux vraiment lui en vouloir… Je hausse les épaules et lève ma main libre. « Okay, okay I get it i’m too human and lame to get in your little superheroes club… Well I could remind you that batman has no powers. » Bon, okay, batman est loin d’être mon personnage préféré. Un milliardaire qui dépense sans compter pour se donner les mêmes pouvoirs qu’un super-héros au lieu de s’attaquer aux racines de la criminalité dans sa ville ? Mais pour le coup, je peux faire preuve d’un peu de mauvaise foi.

À vrai dire, ce qu’il dit juste après me peine vraiment, et je reste silencieux un moment. Je baisse la tête et je mets un moment à dire ce que je veux dire. « I just… You can’t… You can’t expect me to just stand here doing nothing while you’re taking such risks, i hope you realise that. There’s no reason why i’d do that. And i can always carry you on my back, pretend you’re drunk, they’d think we’re just two punk bros hanging out, day drinking. British tourists or whatever. » Sur la fin je retrouve un peu mon sourire, j’essaie simplement d’alléger un peu l’ambiance, sans être vraiment sûr que ça marche bien. En tout cas, il a pas l’air de vouloir s’attarder plus longtemps là dessus parce qu’il me tape l’épaule en me demandant des nouvelles. J’me fends d’un sourire, et d’un haussement d’épaules en prenant une bouffée de mon joint avant de lui répondre. « So… In order. Not much, no cute girls eyeing me up at work because they’re either dead or sleep deprived, and i’m just still listening to the same old stuff. And a little bit of that new-ish american punk, like X… More Fun in the New World… Although if i’m fair, it’s not, not really. » Je soupire. « And no, I didn’t go see them. The night of the concert i was working. I was going home when the meteors fell, actually. Almost snuffed it, really. Well not really. But i got scared shitless. Also broke my arm and got a nasty concussion. » J’hausse les épaules de nouveau. « Well, hey. I guess some stuff did happen since the last time I saw you. But then again, it’s been a while. » J’dis ça sans animosité, sans reproche. Un simple constat. C’est pas mon style d’être passif agressif. Bon, ok, peut être un peu mais là c’est pas l’cas. « I also briefly met Eli Tremblay. Came to my work for coffee. Ruddy nice guy this one. » J’tire une nouvelle fois sur mon joint, et j’dis un peu plus sombrement. « I wish I could say i’ve been working on some songs, but… I haven’t really. » J’pointe un doigt sur ma tempe. « This has been dry like the fucking desert since she left, i has. »

Pas qu'il était contre le fait que Charlie veuille aider, au contraire, tout comme ça n'était pas une histoire de "simple humain" qui se rangeait à côté des mutants alors que ça n'était pas sa "place". Toujours pas pour cette distinction humain/mutant, tout comme il pensait sincèrement que tous pouvaient aider, même si c'était pour quelque chose qui semblait insignifiant, mais il ne voulait pas non plus mettre Charlie en danger si ça n'était pas nécessaire. Personne en fait, pour ça qu'il avait fait des pieds et des mains pour essayer de plier ses deux complices pour l'évasion à l'idée de faire le moins de blessés possible, voire pas du tout. Parce que le moindre pas de travers pouvait avoir des conséquences désastreuses, et pas seulement pour les quatre liés à cette histoire. Et Charlie qui se retrouvait mêlé à ça, qui se mettait en danger à cause de lui, il n'aimait pas du tout. Batman is a spoiled brat with too much money and time not used properly who needs to see a therapist... En plus d'avoir un code de conduite plus que douteux: tuer non, mais blesser et handicaper à vie pas de problème, en plus de dépenser sa fortune dans des gadgets et des engins à moteur.

Peut-être aussi pour ça qu'il avait préféré revenir à des sujets plus légers, parce que sinon il allait finir par dire oui tout de suite à l'anglais avant d'avoir réellement réfléchi au comment, et ça n'était pas une bonne idée. Mais il allait y réfléchir sérieusement, au moins pour ne plus jamais revoir cet air sur son visage. Of course stuff happened! Et pas juste les météorites, alors qu'il reprennait une gorgée d'eau, en réponse à l'un des effets du cannabis. I'm sure it'll come back, you just need to get her out and find something to write about. Pas lui qui allait se mettre à donner des conseils sur comment écrire, il n'était même pas capable de créer des œuvres originales par lui-même depuis qu'il avait quitté l'université, juste des commandes. And yeah Eli is fun, bit too much for me in my current state, briefly thought he was hitting on me, but nice guy overall. Saw him in a park last month, we talked a bit. Well, he talked while I drew him. I'm closer to David to be honest, I love that kid's mind and his way with music and words. And he's got a tattoo of my Guardian on his shoulder so... Le sourire sur ses lèvres en se rappelant du moment au fast-food où le jeune bassiste avait dévoilé fièrement la nouvelle encre sur son épaule, et l'émotion qui allait avec.

Pas remarqué tout de suite le regard de son invité, trop occupé à se vautrer à nouveau dans le canapé, la tête appuyée contre l'accoudoir et un des cendriers en équilibre sur son ventre. La douleur avait disparu heureusement, la fatigue restait hélas. What? I've never told you I knew them that much? I met them after their first show across the pond ten years ago, I gave Eli a drawing of him like a good little fanboy and drank way too much beer with David. Been talking to him ever since, mostly in letters, about music and stuff. Est-ce que c'était étonnant qu'il ait beaucoup plus accroché avec le timide bassiste qu'avec l'exubérant chanteur? Non, plutôt le contraire, et il avait sourit à Charlie. Maybe you two could talk about whatever you musicians and lyricists makes you tick? Or jam together? Maybe write something? Want me to give him a call? Après tout, si un musicien avait un blocage, quoi de mieux qu'un autre musicien pour l'aider à s'en sortir? Une large bouffée de son joint et il avait repris. Hey, maybe you two could write something about what's happening now! Oppression, genocide, rebellion against an unjust government, could work in a good punk song! Surtout quand l'un des deux était directement concerné par ce qui se passait, mais ça il préférait le garder pour lui. Pas à lui de dévoiler la mutation d'un de ses petits camarades.

Je roule des yeux, les levant vers le plafond avec un soupir exagéré. « Oh, for fuck’s sake mate, you think I don’t know that ? But my point still stands. » Je grimace, tirant sur mon joint. « Anyhow. I can’t force you to accept my help, I guess, so… Yeah, nevermind. » Je hausse les épaules. J’raconte ma vie monotone et j’avoue que je l’admire de garder autant d’énergie et de… J’sais pas. J’évoque Eli Tremblay et Rahim me dit qu’il le connaît, apparemment plutôt bien même, lui et David, et… En même temps je trouve ça cool, en même temps… Même les trucs un peu intéressants qui m’arrivent, finalement, sont rien du tout. Ceci dit, ça m’empêche pas de rester bouche bée, et de froncer les sourcils. « You’re shitting me. » C’est le seul truc qui sort de ma bouche d’abord. « You’re actually serious. You do know them. » Quand j’y pense, c’est assez bizarre qu’on se soit pas croisés à Londres, alors que de ce que j’imagine et de ce que je sais on traînait globalement avec les mêmes gens… Hm. « That’s mental, man. » J’me penche, j’attrape ma bière et j’en bois plusieurs longues gorgées. Une fois que j’ai avalé je la repose, et j’appuie mes coudes sur mes genoux, le dos courbé en avant. « Nah, man, you never told me. That’s pretty fucking cool. I don’t even write to Johnny anymore. » Pour être honnête j’parle plus à grand monde, et même Tim James et Peter, je les appelle ou je leur écris de moins en moins. J’sais qu’il faudrait pas que je fasse ça. Mais sincèrement la seule personne à qui je parle encore régulièrement, bah j’crois bien que c’est ma mère. Elle serait pas contente de savoir que j’me suis remis à boire, à fumer, et tout ça, alors j’me garde bien de le lui dire.

Là, il me propose de me présenter David, et j’peux pas m’empêcher de… me crisper ? Ça devrait me faire bondir de joie, mais j’crois que j’ai tellement rien fait que j’aurais honte de me présenter en tant que musicien, j’crois. « Uhhhh… I, er, I don’t… » Il reprend avant que j’aie eu le temps de continuer, alors j’me tais. Il est tellement enthousiaste, j’ai un pincement au cœur quand j’imagine sans réaction si je refuse. Je force un sourire. « Uuuhhhhyeah, I mean, for sur yeah… Lots to say. » Sincèrement, j’me sens pathétique, mais y’a rien à faire d’autre. « I guess… Yeah, I guess it’s not like it can make it worse anyway. » Non, clairement, ça peut pas empirer le truc… Encore que. Parce que franchement, y’a être un loser monumental, et y’a en avoir conscience, et être là pendant que quelqu’un de génial s’en rend compte. Et si je tente de travailler avec David, lui mais aussi Rahim vont s’en rendre compte. Est-ce que j’ai vraiment envie de m’humilier plus que ça a déjà été le cas ? Au moins à Londres, j’avais la sensation de faire quelque chose. Peut être pas grand chose, mais quelque chose qui pour moi avait du sens. Avec les gars on disait toujours Hope ain’t punk, stay angry mais là pour le coup j’avoue qu’une petite pincée d’espoir me ferait du bien parce que depuis que je suis paumé ici tout seul dans cette ville de merde j’ai l’impression de couler lentement à pic au fond d’un lac. Bref, je secoue un peu la tête histoire de me sortir de mes pensées et j’prends une gorgée de bière avant de faire un vague mouvement d’épaules. « Sure, I mean, sure. Yeah. Introduce me. We can probably make something out of this whole… Situation. » J’le dis avec le plus de faux enthousiasme dont je suis capable, étirant mon sourire, p’t’être même un peu trop. La vérité c’est que Rahim est ptêt la seule chose cool dans ma vie en ce moment, ou l’une des seules en vrai. Parce que sincèrement… La maison me manque. J’ai pas d’nana, des tafs qui me font chier, j’écris pas, j’dors pas… Finalement, heureusement qu’il est là. C’est lui la seule chose qui fait que j’arrête pas tout juste ici. Bon, lui et ma mère de l’autre côté de l’étang, quoi.