the night we met. (quim)

tap tap tap
qui te réveille

la bouche pâteuse, la tête qui va exploser, les pupilles dilatées, tu te relèves d’où tu t’es endormi hier soir. (ce matin plutôt.) les os qui craquent, l’épaule qui proteste d’avoir été appuyée contre le mur pendant trop longtemps, tu traînes ton corps jusqu’à la fenêtre. il n’y a personne, anžej. il n’y a plus personne depuis des semaines déjà. il n’est jamais revenu depuis cette nuit-là, ce roi inconnu et ses petits soldats. tu sais pas trop si c’est l’air humide du matin ou tout simplement à cause d’une de tes énièmes illusions auditives, mais t’as le coeur au bord des lèvres. t’as envie de vomir. tes tripes, tes pensées, d’oublier l’intégralité de ces dernières semaines. le roi et ses petits soldats, le roi devant qui tu as courbé l’échine, le roi qui t’as vu (le toi que tu avais enfoui loin, loin, loin), le roi qui a disparu. et tu veux plus y penser, ni à lui, ni à toutes ces nuits que tu as passées à le rechercher. tu sais pas s’il a disparu ou s’il est mort, tu n’as personne à qui demander. (personne en qui tu fais assez confiance, plutôt.) aucun nom à donner non plus. mais t’as arrêté de le chercher, et ça depuis des semaines. il est toujours là, pourtant, dans un coin de ta tête. dans ces tap tap tap que tu crois entendre par moments. et ça te rend fou, ça te fait vriller. dangereusement. à point de boire, comme hier soir. de te brûler la gorge jusqu’à ne plus rien sentir, de remplacer le vide de ton esprit par du flou. mais tu devrais pas faire ça anžej, parce que c’est dangereux

de
tout
laisser
tomber

tu pourrais y laisser ta peau. ta mère te l’a appris dès le début pourtant. ne jamais laisser tomber ses barrières, ses instincts, sa vigilance. t’es censé être à l’affût anžej, constamment. mais t’es là, avec la nausée au bord des lèvres, la peur qui se réveille dans ton ventre. enroulée contre ton estomac, elle s’agite. lentement, sans vraiment prévenir, sans te laisser le temps de réagir. elle est là, à attendre, planquée dans l’ombre. elle attend son heure. le moment parfait. (celui qui va te faire vriller.) et il arrive ce moment, juste là, quand tu dévales les marches de ton immeuble à la recherche d’air. t’étouffe dans ton appartement, anžej. le tap tap tap dans une oreille et la migraine qui te vrille la tête. ton pouvoir qui proteste contre tout l’alcool que tu as bu. ce pouvoir qui t’a échappé hier soir. ce pouvoir qui frémit quand tu te retrouves dans la rue. ce pouvoir qui s’enroule contre ta cage thoracique. ce pouvoir qui te fait tourner la tête parce qu’il est là, dans la rue. pas le roi, mais le mec d’hier soir. celui que tu as embrassé. celui que tu as traîné dans les toilettes. celui qui t’as vu utiliser ton pouvoir. (celui qui fait désormais de toi, une proie pour l’uam.)

et ton poing
qui vient s’écraser
contre sa mâchoire

il est là, le moment parfait. t’as vrillé, anžej.
(la peur qui se réveille. ta mère qui se moque de toi dans un coin de ta tête.)

@anžej pahor

Tu mentirais si tu disais que tu es remis de la soirée d'hier. Tu mentirais franchement, si tu disais prêt à aller courir un marathon autour de la ville, prêt à distancer un chasseur ou un agent de l'UAM. C'est particulièrement imprudent mais en cet instant, tu es à la merci du premier venu et le pire est sûrement que tu n'en as absolument pas conscience. Si Stanislas te voyait, il désapprouverait sans doute. Oui, mais le fait est qu'il n'est pas là, comme tu l'avais prévu. Bien sûr, tu n'attendais rien de sa part, et tu n'as pas besoin d'un chaperon, mais tu ressens malgré tout cette frustration enfantine. La même que, lorsqu'en arrivant sur le quai d'une gare, et bien que sachant pertinemment n'est là pour attendre, on se met à chercher dans la foule un visage familier. T'es pathétique, Quim.

Tu as encore une bouteille à la main; il n'y a plus qu'un fond d'alcool auquel tu n'as pas touché depuis plusieurs heures. Tu la gardes pourtant, le pas lourd sur le pavé, tanguant et maladroit au moindre mouvement. Tu songes à Al, et ça te fait marrer. Sûrement que ça le ferait marrer, aussi. Que tu gagnerais un badge d'accès à un club supplémentaire, comme si tu collectionnais les tares. C'est sûrement le cas, même si t'as du mal à l'admettre. De la soirée d'hier, persistent quelques souvenirs confus. Des anonymes, du goût âcre de l'alcool et de celui, plus doux, des lèvres d'un parfait inconnu. T'es pas certain de pouvoir le décrire, tu gardes juste en mémoire la pensée saugrenue qu'il était bien trop beau pour s'intéresser à un type comme toi, et que c'est sûrement ce qui t'a plu. Ça, et la sensation quand tu le frôlais. Comme si t'avais le corps parcouru de décharges, comme si ton cœur, stimulé, tentait de jaillir hors de ta poitrine. Tu souris en y repensant. Tu l'as peut-être rêvé. Tu t'arrêtes contre un mur, presque essoufflé à force de marcher. C'est la meilleure solution pour décuver. Marcher sans t'arrêter, des heures durant, dans le froid, dans l'humidité, en te planquant des silhouettes tant que le couvre-feu est en vigueur. Tu portes encore les fringues d'hier, t'es pas repassé par ton quartier. T'as tourné en rond, t'as tourné en boucle, dans ta tête aussi, c'est un peu trop circulaire. Ton dos appuyé contre la brique, tu avises le contenu de la bouteille, pince les lèvres et la desserres tes doigts, la laissant tomber dans un tintement sec à tes pieds.

Elle ne se brise pas,
roule un peu plus loin.

Soupir, tu redresses le visage, remplit tes poumons de l'air dégueulasse de la rue. T'as besoin d'une pause. Tu te sens nauséeux. Sûrement que si les fils étaient branchés en dedans, t'aurais mal au crâne, une barre à travers la gueule. T'as fumé, aussi, après, au début de ton périple. T'as fumé et tes yeux sont un peu rougis par la drogue, à moins que ce soit le froid qui ait cet effet sur toi. Car ta peau est gelée n'est-ce pas ? Tu le sens, lorsque tu tires un peu plus sur tes manches pour abriter tes poignets. Silence. Non. Bruits de pas à quelques mètres. Une silhouette, la sienne, qui se détache sur le trottoir. Tu tournes la gueule vers lui, prêt à te barrer déjà, quand tu le reconnais. Y'a un sourire maladroit qui fend ta gueule, deux fois dans la même journée semble bien trop beau pour être vrai, tu dois halluciner. Tu plisses les yeux pourtant, brouillard dans ton esprit qui se dissipe à mesure qu'il approche. Tu te redresses, un peu, te détaches du mur pour lui faire face, entrouvres les lèvres pour lui signifier que ça te fait plaisir de le revoir, et que - grondement de surprise lorsque son poing embrasse ta mâchoire. Le choc est tel ((et t'es pas assez sobre)) que tu pers l'équilibre et doit t'appuyer contre le mur pour pas te ramasser. Putain de - mec ! Grogné, une main venue saisir ta mâchoire. T'as pas mal, non, mais t'espères qu'il l'a pas déboîtée. La crainte pourtant, laisse place à l'incompréhension et ton sang ne fait qu'un tour lorsque tu te redresses pour lui bousculer violemment les épaules de tes paumes grandes ouvertes. Le repousser, loin, loin de ta carcasse; t'es clairement pas en état de te battre. T'vas pas bien, p'tain, qu'est c'qui t'prend ?!

Nausée qui s'impose davantage au bord de tes lèvres, mais par-dessus tout, ton estomac qui se tord. Une forme de peur qui se réveille, sûrement, parce que tu ne sais ce qu'il a à te reprocher. Alors, tu attaques, pour pas être le premier à en chier. C'quoi ton problème ? Si t'en veux plus, t'peux juste m'le demander. Sur ta langue, le goût de fer familier, celui du sang, t'indiquant que le coup t'as probablement écorché l'intérieur de la lèvre. Fais chier. Soupiré en l'essuyant d'un revers de main. La vérité c'est que t'es déçu, franchement déçu, et dégoûté, que lui aussi, décide de s'acharner après toi. De ce dont tu te souviens, t'as pourtant pas été désagréable. Alors ton regard, il est brillant d'incompréhension lorsque tu le lèves vers lui, interdit.

Un regard d'animal sauvage,
sûrement un peu perdu.