appel entre Seth et Don

Mec pourquoi tu fais ça. Et puis d'abord, pourquoi tu lui téléphones ? Pourquoi tu as cherché son numéro ? Des Ferrino, y'en a pas 35000 dans l'annuaire, à Mineapolis. Assez quand même pour que Seth y passe au moins 30 bonnes minutes à leur téléphoner les uns après les autres. Et une seconde, ça en devenait tellement chiant que Seth s'est même demandé si c'était ça son vrai nom de famille. Genre... Non. C'est trop con comme pensée. C'est juste qu'il l'a jamais appelé, et qu'il stresse pour rien. Alors du coup, il joue avec le fil du combiné en essayant de se détendre, Lily dort, il veut pas la réveiller. Et si ça se trouve, Don va même pas décrocher. Détends-toi sérieux. "Don ?" Il demande au bout d'un moment, quand il entend quelqu'un saisir le combiné. Cette fois c'est la bonne ?

Les mains dans le liquide vaisselle, tu te demandes qui peut appeler tout de suite. Bordel. T'hésites une seconde à le laisser sonner parce que merde, pour une fois que tu fais quelque chose de bien et d'humain, t'as pas envie de tout lâcher. Mais tu sais pas qui c'est, tu sais pas si c'est un truc important. Vu comment tu perds tes lettres, peut-être que c'est super important. En pestant tout le long, t'attrapes de quoi essuyer tes mains, pour ne pas risquer de péter le téléphone fixe. Encore une fois. Tu cales le combiné entre ton oreille et ton épaule pour ne pas y toucher plus que ça.
C'est Seth. La voix est peut-être déformé par l'appel mais tu reconnais l'intonation. Bordel de merde. Ta vaisselle peut bien attendre un peu. "Seth." tu lâches, avant de te racler la gorge. Il t'a appelé. Malgré le fiasco de la dernière fois. "Tu vas bien ?" directement, tu t'inquiètes. Tu vois, au fond, pas une autre raison de son appel. Peut-être qu'il est en danger ?

Il y a son souffle dans le combiné, et Seth sait pas pourquoi, il sent que cette fois, c'est bien Don au bout du fil. C'est lui. Et d'un coup, il sait plus vraiment quoi dire, ni pourquoi il appelle. "Seth." Il l'entend se racler la gorge, il est gêné ? Peut-être qu'après tout, il a vraiment interrompu un truc important la dernière fois avec Lily. "Tu vas bien ?" Tout va hyper bien mec. Tout va toujours bien. Pourquoi ça irait pas ? "Euh ouai. Ouai ouai et toi ? J'appelais pour prendre des nouvelles tu vois." Mais oui. Il se redresse légèrement, étire son dos pour chasser quelques tensions. Il aimerait bien revoir Don. Mais c'est pas comme ça que ça marche entre eux. Il ne veut pas réclamer. Il sait que Don est pas à l'aise avec ça. "J'espère que t'as réussi à rattraper le coup avec Lily..." J'ai agi comme un con, j'suis désolé. J'suis désolé d'avoir cru que tu... Il se mord la lèvre inférieure, le coeur bat trop vite.

Y a pas de respiration sacadée, ou de hurlements, alors tu supposes que tout va bien. C'est un soulagement ; autant que la source de ta crispation. Pouruqoi il t'appelle si tout va bien ?
Tu veux le voir. T'es pas bon avec les mots, ça change rien, mais encore moins quand tu peux pas fixer la personne. T'as un visage super expressif et c'est plus facile quand ils peuvent voir dans tes yeux que tu racontes de la merde mais que tu le penses pas du tout.
Prendre des nouvelles, tu grimaces légèrement. "Prendre des nouvelles je... Oui, ça va." c'est tendu, t'as l'impression de devoir appeler un membre de ta famille éloigné à Noël, la vieille tante que t'as jamais vu ; alors que Seth tu le connais. En profondeur.
"C'était une erreur." que tu lâches dans un long soupir. "Avec Lily, je veux dire." Tu sais pas pourquoi tu lui dis ça, alors que t'as jamais pu te le dire à toi-même avant. c'était une erreur. T'adores Lily, autant qu'elle te fait peur ; mais pas comme ça. Pas physiquement. Pas comme Seth. "Très franchement, j'ai pas la thune de la payer et elle me fait beaucoup trop peur." tu lui avoues dans un léger rire un peu bourru.

"Prendre des nouvelles je... Oui, ça va." C'est marrant. Enfin sur le coup Seth ça le fait un peu sourire, même s'il dirait pas que c'est "marrant". Juste, il se rend compte qu'il aime bien entendre sa voix, alors que y'à quelques mois, il aurait détesté ça. Il aurait détesté faire la conversation juste pour le plaisir de l'entendre parler. Qu'est ce qui avait changé entre temps ? "C'était une erreur." De quoi ? "Hin ?" Seth l'entendit soupirer, essaya de se décrisper. "Avec Lily, je veux dire." Ah ? Mais du coup vous l'avez fait ? Qu'est ce qui s'est passé entre vous deux ? Non. En fait il voulait pas vraiment savoir ; ça le regardait pas. Clairement. "Très franchement, j'ai pas la thune de la payer et elle me fait beaucoup trop peur." Il peut pas s'empêcher de rire un peu à ces mots. Peur ? C'est vrai qu'elle peut être intimidante mais quand même... "C'est pas ma soeur." Relance le brun. Parce qu'au cas où Don l'ait vraiment cru. Au cas où... enfin, il est blond quand même. Donc au cas où Don, pas d'inquiétude, aucun lien de sang entre les deux. "C'est vrai qu'elle fait peur des fois."

T'es très blond, c'est vrai. Et t'y as pas vraiment cru, à l'histoire du lien de sang ; mais ils peuvent très bien être frère et soeur sans partager le même sang. Tu ne comptais pas leur poser la question. Ils ne te doivent aucune explication sur comment papa et maman ont fait pour avoir un enfant asiatique et un autre métissé. C'est pas ton problème. T'espères juste qu'ils ont eu une meilleure famille que la tienne.
Tu lâches un rire léger en l'entendant reprendre tes paroles. "Un peu ? Je me suis battue contre des gars qui faisaient trois fois sa corpulence et sa taille, pourtant elle me lance un seul regard noir et j'ai l'impression qu'elle va me tirer les oreilles." tu secoues la tête, et t'es pas loin de faire tomber le combiner, qui était encore coincé entre ta joue et ton épaule. Tu jures et le rattrapes au dernier moment. Tu laisses la trace de tes doigts incrustés dans le plastique, mais tout semble encore fonctionner. "Oh, shit. Pardon." tu lâches un rire nerveux. "Tu avais autre chose à me dire, Seth ?" parce que tu n'es pas capable d'utiliser les mots que tu veux entendre. Peut-être qu'il osera pour toi. Ta voix se fait plus petite. "De toute façon, je sais qu'on se reverra. Comme d'habitude." sorte de promesse venant de toi, vous qui vous retrouvez toujours mais sans jamais le dire. Le destin qui vous tire, le karma qui vous pousse, et tu les repousses tous. Pourquoi ? Parce que tu es trop con pour garder les bonnes choses dans ta vie.

"Un peu ? Je me suis battue contre des gars qui faisaient trois fois sa corpulence et sa taille, pourtant elle me lance un seul regard noir et j'ai l'impression qu'elle va me tirer les oreilles." Y'à un peu de vrai là dedans. Lily ne se laisse marcher sur les pieds par personne. Et puis y'à un bruit chelou à l'autre bout du fil, Seth entend le blond cracher quelques injures. La demie lune sur ses lèvres ne fait que s'étirer davantage. "Oh, shit. Pardon." "Tout va bien ?" Le rire de Don encore. Son foutu rire. Il l'imagine d'ici avec ses dents là, un peu nerveux. Il aimerait bien qu'il les pose sur son cou un peu ; ça lui manque. "Tu avais autre chose à me dire, Seth ?" Excuse me ? Non mais Don dis le si j'te fais chier en vrai. Seth il avait rien à dire, à la base. Enfin si, cette histoire avec Lily là, mais c'était régler du coup... Il paniqua, intérieurement alors que ses doigts se resserraient autour du combiné. Dieu soit loué, il n'avait pas la force du blond, il ne risquait pas de le briser. Putain, sérieux ? Il avait envie de dire pleins de trucs ouai, mais il allait juste le faire flipper. Genre... j'crois que j'suis amoureux de toi. Mais c'est sur qu'il allait pas bien le prendre hin ? "De toute façon, je sais qu'on se reverra. Comme d'habitude." Bah ouai comme d'habitude. Il eut un rire nerveux, à son tour, mais ses dents à lui se resserrent à s'en éclater la mâchoire. "Tu fais chier Don." Gronda t'il alors qu'il cherchait encore une excuse pour rester en ligne avec cette... putain de blondasse là. Il voulait même pas de lui, sérieux, à quoi il jouait ? Qu'est ce qu'il s'imagine à la fin. Comme d'habitude ouai. Y'à moyen d'évoluer sinon, de faire d'autres trucs ? Il était perdu le pauvre, il savait pas lui-même ce qu'il foutait là. "Je crois que je t'aime bien." Il enfouit son visage dans sa main libre, faisant mine de se recroqueviller. Ah. Ah merde. C'est les circonstances qui font que ça fait mal... et si y'avait pas de prochaine fois ? Après tout, il avait même pas eu le temps de dire au revoir à ses frères. Il avait perdu Jaden. Tout allait trop vite. "Non rien." Murmura t'il, à peine. Mais peut-être qu'il pouvait trouver une excuse. Du genre... un robinet qui fuit, ou un mur à repeindre ? Ou un truc à réparer... Le grille pain est en panne non ? Est-ce que Don sait réparer un grille-pain ? "Le grille-pain est cassé. Il grille plus le pain tu vois et c'est.... horrible."

T'essayes de fuir, parce que c'est ce que tu as toujours fais. Parce que t'es doué quand il faut te casser en courant (en plus tu cours vite). Mais là il te laisse pas fuir. C'est étrange ; mais c'est agréable. Tu l'entends grogner. Tu le fais chier, mais sa remarque te fait juste sourire. Tu le fais chier, mais il reste là ; tu le fais chier, mais il raccroche pas le combiné.
La phrase d'après te fige. T'as surement mal compris, c'est pas possible autrement. Tu éloignes le téléphone de ton oreille pour regarder le combiné avec des gros yeux. Peut-être que c'est quelqu'un d'autre que tu entends. Pourtant c'est sa voix. Transformée par l'appel, mais sa voix quand même.
Et puis il retire ses paroles mais ça résonne dans ta tête, un peu trop fort, ça colle à ton âme. Il pourra te dire que c'est 'rien' autant qu'il veut, tu sais que c'est faux. Tes mains tombent le long de ton corps et tu sais pas quoi répondre. T'as encore envie de fuir.
"Le grille-pain est cassé. Il grille plus le pain tu vois et c'est.... horrible."
Tu éclates de rire. Un rire franc et gras. Tu la sens grosse comme une maison, la tentative de changer de sujet et tu peux pas t'en empêcher, tu rigoles, comme tu as rarement rigolé dans ta vie. Tu dois même essuyer une larme. "Le grille-pain Seth." et c'est cruel, de le mettre en face de son mensonge comme ça, lui mettre le nez dedans.
Tu te calmes et ta voix se fait plus douce : "Okay. Je viendrai réparer le grille-pain." t'es pas bon pour les métaphores bizarres, alors tu retiens dans le fond de ta gorge le 'j'aime bien les grilles pain, moi aussi' parce que tu vas juste te ridiculiser encore plus que possible.
Tu peux pas quitter cet appel comme ça, pas après ce qu'il t'a dit. Alors tu serres les poings, en faisant attention à ne pas te péter un doigt. "Seth ?" tu attends une confirmation, quelque chose qui indique que tu as bien son attention. "Je crois que j'ai le même problème. Et je parle pas du grille pain." c'est presque chuchoté, honteux aveu. Tu veux tout reprendre, tu veux lui dire que c'est faux, que c'est totalement ton grille pain le seul que tu aimes, mais tu peux pas le faire. Il mérite pas ça. Il mérite mieux.

Evidemment, il se fout de sa gueule. Il éclate de rire ouai, il est bien mérité celui là. Pendant une minute, Seth il a envie de rire aussi, mais à vrai dire, il est déjà trop occupé à empêcher son coeur d'aller s'éclater par terre. Il a du mal avec les déclarations d'amour. La dernière fois qu'il en a fait une, à la fin du lycée, il a fini à 4 pattes à vomir dans l'herbe. Et le lendemain, Jaden avait fait comme si rien ne s'était passé. Seth avait passé des heures à chialer aux toilettes après ça. Comment c'était possible de tout foirer comme ça à chaque fois. Entendre Don rire, ça lui rappelait pas de bons souvenirs. Il était mal à l'aise, le métis. Il avait envie de raccrocher brusquement. De faire comme si rien ne s'était passé à son tour. C'est comme ça que les autres réagissent alors pourquoi pas lui, hin ? "Le grille-pain Seth." Nique ta mère Don. Le grille-pain je vais le casser exprès pour me donner raison. Lily va hurler, mais c'est pas grave. Seth a les joues en feu, heureusement que personne ne peut le voir. Heureusement qu'il se cache encore derrière une main, comme si ça pouvait arranger les choses. "Okay. Je viendrai réparer le grille-pain." Finit par répondre le blond d'une voix plus douce qui fait accélérer le coeur de Seth. Ok ? Ok pour réparer le grille-pain ? Il sait pas pourquoi, il trouve ça trop mignon... Il sait pas pourquoi, il sent que y'à un truc derrière ça. "Merci." Murmure le métis. Comme si un grille-pain en panne était le pire truc de sa vie et que Don allait lui refaire sa journée, son mois même, rien qu'en acceptant de venir le réparer. Mais bon. Ils parlent en langage codé. Seth ne se satisfait pas encore totalement de cela, mais il s'en contentera."Seth ?" Souffle dans l'oreille. Il a presque l'impressionn que Don pourrait être derrière lui s'il prenait la peine de se retourner. Il voudrait bien que ce soit le cas. Il a envie de voir les iris du plus jeune briller de ce je ne sais quoi... ce truc qu'il a dans les yeux avec lui et qu'il a pas avec les autres, et qui donne envie à Seth de le garder pour lui, de l'enfermer quelque part pour pouvoir l'admirer, de façon un peu possessive sans doute, un peu jalouse... "Don ?" "Je crois que j'ai le même problème. Et je parle pas du grille pain." Ah... Les doigts se resserrent sur le combiné. Oh putain bordel heureusement qu'il a pas raccroché. Il peut bien supporter toutes les moqueries du monde pour pouvoir entendre ça. Il soupire bruyamment, libère enfin sa gorge du poids qui compressait ses cordes vocales. Comment un tel idiot peut-il avoir autant de conséquences sur sa santé mentale ? "Je ne pense pas que ce soit un problème." Finit-il par dire après un trop long moment de silence. Enfin, le grille pain est un problème, mais le reste, ce n'en est pas un. Pas encore, n'est ce pas ? Ce n'est plus un soucis s'ils le partagent tous les deux. "Tu estimes que c'en est un pour toi ?"

Tu t'appuies contre le mur, la gorge serrée, le visage blanc. Le penser est une chose ; l'avouer en est une autre. Tu as toujours su que le regard que tu portais sur Seth était différent, que tu agissais différemment avec lui. Parce qu'à tes yeux, il était unique et devait être traité comme tel. Tu ne pouvais pas faire autrement, pas avec lui. Parce qu'il s'est immiscé dans ta vie à grand coup de pancarte, s'est fait une place dans ton coeur sans difficulté. Et tu te bats, contre toi-même, pour ne pas le repousser. Parce que tu n'as pas envie de le voir loin de toi ; tu veux le voir dans tes bras.
C'est un problème, à tes yeux. Un gros problème. Des années à te dire que c'est pas possible. Des années à te demander pourquoi tu es comme ça. Des années à te dire que tu veux pas être comme ça. Des années d'insultes.
Cette haine profondément ancrée en toi, Seth est passé au dessus, à travers, pour viser directement ton âme et la réchauffer. Seth a allumé un feu dans le creux de ton ventre et il a tout fait bruler, tes questions, tes fondations violentes, tes doutes.
"Je sais pas." tu es douloureusement sincère, honnête. "Ça devrait pas être un problème." mais t'arrives pas à voir ça autrement. Tu grattes distraitement une tache sur le papier peint. "Mais peut-être..." tu te mords la lèvre. "C'est moins un problème si tu es là." et c'est murmuré, presque arraché de ta gorge. Tu passes une mains sur ta nuque. C'est un appel, venant de toi ; pas vraiment à l'aide. C'est ton âme qui hurle "guide moi".

Seth ne retient pas son souffle. Il est détendu à présent. Il comprend. Il sait bien que la chose ne doit pas être facile à gérer. Elle ne l'est pas, pour lui non plus, et elle ne l'a jamais été. Il a juste compris, avec le temps, que ses sentiments n'avaient pas besoins des appréciations du monde pour exister et qu'il avait le droit de les ressentir et de les vivre. Don n'en est pas encore là, et ce n'est pas grave. Parce que c'est normal d'avoir peur, après tout. Parce que c'est déjà bien ce qu'ils ont et que le métis ne s'estime pas en droit d'exiger plus si Don n'est pas capable de le lui donner. Pas en droit de demander au blond d'assumer pleinement une partie de lui-même et de l'embrasser dans son entièreté, alors que les autres rejettent cette même partie avec haine et dégoût. Ce qu'il peut faire en revanche, c'est offrir à Don un peu d'amour, prendre cette partie là et lui montrer que lui, il l'aime - de la même façon qu'il aime le reste de sa personnalité. Et croiser les doigts pour que ça suffise, peut-être... "Je sais pas." D'accord. Le souffle s'accélère légèrement, le métis essaye pourtant de respirer calmement. Il ne dit rien, laisse Don continuer, il sait qu'une suite arrive, probablement. Le moment est propice à l'honnêteté, et quelque part, Seth remercie intérieurement Don de l'être un peu avec lui. Mais ils l'ont toujours été, sinon, ils n'auraient jamais couchés ensemble. "Ça devrait pas être un problème." Ce n'est pas un problème pour moi. Seth le répète, intérieurement. Il ne sait pas trop. Il espère peut-être que Don l'entende, dans sa tête. Ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave que ce soit un problème. Il y a pire dans la vie. Il y a pire, en ce moment, que de ne pas oser affronter ses démons personnels. Il y a d'autres sortes de démons dehors bien plus grands."Mais peut-être..." Silence. Et Seth est suspendu à ce silence comme un funambule sur une corde raide. "C'est moins un problème si tu es là." Le métis garde un instant le silence. Il ne sait pas encore de quelle façon digérer la chose. D'ordinaire si impulsif, il pèse ses mots. Je suis là. "D'accord." Murmure t'il, pour rassurer d'abord. Pour dire qu'il a compris. Qu'il a écouté. Il se mord la lèvre inférieure, essaye de trouver une bonne façon de répondre, de ne pas laisser Don avec son aveux trop longtemps seul avec ce foutu téléphone. Il voudrait pouvoir lui dire qu'il va venir chez lui, là. Tout de suite. Il a envie de raccrocher et de le rejoindre. Et de peut-être simplement le prendre dans ses bras. Juste sentir sa chaleur, sentir son odeur. Il aimerait pouvoir avoir cette conversation en face de lui, pour pouvoir déchiffrer, trouver les mots manquants dans ses gestes et dans ses yeux. Mais il n'est pas là, alors il se contentera de ce qu'il a, en cet instant. "Tu sais. Don. J'ai peur aussi parfois." Tout le temps, même. Tout le fucking temps. Pour de nombreuses raisons, et il a réalisé il y a peu que le blond en faisait indéniablement partie. C'était embêtant. Mais peut-être préférable... " Mais jamais quand tu es là." Jamais. Jamais lorsque ses bras se refermaient sur lui. Ni lorsqu'ils laissaient sur leurs corps des empreintes haineuses et confuses. Ni même lorsque, le premier jour, il lui a balancé une pancarte sur la tronche. Ni même lorsque parfois, le blond menaçait de le frapper, parce que Seth se moquait de ses insultes, ou des barrières que Don tentait de dresser entre eux. Leur relation a été tumultueuse. Elle l'est encore. Et pourtant, Seth n'a jamais eu peur, en présence de celui qui avait le poing plus facile que l'amour. "On verra alors...peut-être qu'un jour ton problème n'en sera plus un ? "

T'as le coeur au bord des lèvres, l'angoisse dans ton bide, dans ta gorge, qui s'en va pas. Parce que tu lui as ouvert ton coeur, un petit peu, mais s'il tend pas les mains pour le rattraper, il va finir bousillé. Écrasé. Détruit. Et tu veux pas ça. Tu veux que Seth le récupère, de la même façon qu'il a récupéré ton corps plus d'une fois. Quelque part, tu as confiance, parce que tu as immensément confiance en Seth. Il t'a jamais laissé tomber. Même dans la haine, même dans la douleur, il était là pour te rendre tes coups, te donner des coups de dent à son tour ; dans la douceur, il était présent pour passer une main dans tes cheveux, caresser tes épaules noués.
Son silence est un peu plus long, parce que tu le connais, tu sais qu'il est du genre impulsif, ouvrir la bouche avant de réfléchir, sauter sur les gens dans la rue pour les attaquer, t'as été le premier témoin de tout ça. T'as peur, pendant une seconde, qu'il ait raccroché ; peur d'entendre la tonalité qui signifie que t'es sous seul au téléphone.
Son "D'accord" est un soulagement, un murmure si léger qui vient pourtant détruire tes doutes. Tu te laisses glisser contre le mur et tu finis assis sur le sol, le fil du combiné à moitié enroulé autour de ton bras ; mais tes genoux tremblaient, pas moyen de tenir debout encore longtemps, pas alors qu'il est si loin et que c'est pas lui qui peut te maintenir debout.
"Jamais quand tu es là." et tu ne sais pas quoi répondre. C'est trop ; c'est pas assez. Venant de sa bouche, ça à l'air si facile d'avouer ses peurs, d'avouer de ne pas être parfait. Pourtant il l'est. Pourtant tu sais que tu te mettras entre Seth et ses peurs sans hésiter une seule seconde, ce violent sentiment protecteur qui te prend aux tripes.
Il t'a vu revenir plus d'une fois avec des hématomes, des coquards, les phalanges rouges de sang. Il connait tes poings pour y avoir déjà gouté. Et il n'a pas peur.
Il continue sur sa lancée, surement que ton silence a été trop long. Ton problème ressemble de moins en moins à un problème, tu dois bien l'avouer. En quelques semaines, en quelques mois ; même en quelques minutes, juste le temps d'un coup de fil. "J'en doute pas. Mon boulot c'est de trouver des solutions aux problèmes, pas vrai ?" Je vais faire des efforts qui se lit entre les lignes, message clair au milieu de ta phrase légère.
Tu joues avec le fil du téléphone, l'entortille entre tes doigts. Tu ne sais pas si les confessions devraient finir un jour, mais l'ambiance te pousse à continuer ; son courage alimente le tien. "J'ai envie de te voir..." et ça te surprend. Parce que tu l'as jamais dit, mais qu'à tes yeux, c'est la seule vérité. Mais là tu peux pas, les muscles faibles, le coeur au bord de l'implosion. Si tu le vois, tu vas juste crever. "On se voit toujours, au final. Avec ou sans problème. Avec ou sans grille pain." tu fermes les yeux, un sourire léger qui fait trembler tes lèvres.

"J'en doute pas. Mon boulot c'est de trouver des solutions aux problèmes, pas vrai ?" "Hm..." Tant que la solution à ce problème n'est pas de purement et simplement couper les ponts entre eux. Ce ne serait d'ailleurs pas une solution. Ce serait choisir la facilité. Ce serait mettre le problème sous le tapis, mais il serait toujours là. Si ce n'est pas avec Seth alors, il réapparaîtra avec quelqu'un d'autre. Le blond, il a déjà passé 25 ans de sa vie à le cacher, ce problème. Il doit commencer à comprendre que ce n'est pas en se rendant malheureux et en se battant contre lui-même que les choses s'arrangeront, n'est ce pas ? Mais il lui fait confiance le métis, quelque part, ces quelques mots le rassurent un peu. Qu'importe la solution que Don trouvera, ça sera la bonne pour tous les deux. "J'ai envie de te voir..." BOUM. Le coeur loupe un battement violent. Heureusement que Seth est déjà par terre parce que surement que là, ses jambes auraient lâchées. Ses mains se prennent de tremblements alors que ses dents viennent nerveusement mordre ses lèvres, essayant de contenir l'émotion "On se voit toujours, au final. Avec ou sans problème. Avec ou sans grille pain." Il y a un bruit, dans la chambre d'à côté. Lily est en train de se réveiller, probablement. Oui tu sais Don, vous avez toujours réussi à vous croiser sans jamais vraiment le vouloir. Et puis c'est pas comme si l'un de vous deux était coincé dans un pays étranger. Là, vous êtes bloqués tous les deux dans la même ville alors vraiment, si après ça, vous vous recroisez pas... "Je ne m'en fais pas pour ça." Répond Seth avec un sourire qui doit probablement s'entendre. "En plus maintenant tu sais où me trouver." C'est presqu'une invitation, et seulement si Don en a le courage, un jour. Pas forcément aujourd'hui ni demain. Quand il le voudra bien. "Je dois te laisser. Lily est en train de se lever." Il espère que le blond ne verra pas ça comme une stupide excuse pour laisser là la conversation. Mais il n'a pas non plus envie que Lily entende ce genre de choses. "J'espère qu'on pourra reparler de tout ça... A bientôt du coup, prends soin de toi." Il raccrocha avant d'entendre une quelconque réponse, hâtif dans son geste alors que la vietnamienne sortait finalement de sa chambre, quelques brides de sommeil encore accrochées aux traits.

Tu peux presque l'imaginer, assit, le téléphone sur les genoux, le sourire aux lèvres. Tu l'entends, son sourire, et tu peux sans peine le retranscrire dans ta tête de con. T'as passé un peu trop de temps à chercher un rictus, lui arracher un sourire ; juste trop de temps à l'observer. Il n'est pas là mais c'est tout comme, pour toi.
Tu sais où le trouver, oui. Peut-être que plus tard ; tu le rejoindras chez Lily. Quand elle n'est pas là. Parce que tu veux pas le voir, parce que tu veux profiter de Seth sans un oeil curieux ou une oreille trop proche. Derrière le combiné, tu hoches distraitement la tête.
Tu n'as pas vraiment le temps de répondre, à quoi que ce soit, quand il t'annonce que Lily se réveille et qu'il doit partir avant de raccrocher presque violemment. Tu restes une seconde interdit, sans comprendre ce qu'il vient de se passer.
Mais le sourire idiot qui étire tes traits en dit long.
C'est un pas en avant ; et cette fois, tu ne comptes pas reculer. Le coeur qui bat rapidement, tu te dis que c'est le moment de te reprendre un peu, d'arrêter de te mentir, de mentir à Seth.
Tu veux pouvoir lui tenir la main, et si tu dois réparer un grille pain pour ça, tu le feras.